Invité international

Charles Enderlin: «Selon le plan Trump, la grande idée israélienne de détruire le Hamas n'existe plus aujourd'hui»

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Après l’acceptation par le Hamas du plan américain de Donald Trump sur Gaza, le mouvement islamiste se dit prêt à libérer tous les otages israéliens et disposé à des négociations sans conditions. Mais il reste encore quelques zones d’ombres. Comment ce plan américain pour la paix à Gaza est-il perçu en Israël ? Charles Enderlin, journaliste et écrivain, auteur du livre Le grand aveuglement d’Israël face à l’islam radical chez Albin Michel, est ce samedi 4 octobre, l'invité international de RFI.

De la fumée s'élève de Gaza après une explosion, vue du côté israélien de la frontière, le 30 septembre 2025.
De la fumée s'élève de Gaza après une explosion, vue du côté israélien de la frontière, le 30 septembre 2025. © Amir Cohen / REUTERS
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RFI : Comment ce « Oui, mais » du Hamas est-il perçu en Israël, d'abord sur le plan politique ?

Charles Enderlin : C'est surtout la réaction de Donald Trump qui a suscité ici une véritable atmosphère d'optimisme. Donald Trump, je vous le rappelle, a déclaré « le Hamas a décidé de se lancer sur la voie de la paix et les bombardements israéliens doivent cesser immédiatement ». Alors, il faut rappeler quand même que, il y a seulement quatre jours, une grande chaîne de télé israélienne avait publié un sondage. 72 % des personnes interrogées en Israël sont en faveur du plan Trump. 8 % seulement sont contre. Donc, oui, les familles d'otages, et elles vont recommencer à manifester ce samedi soir, espèrent que vraiment, on avance.  

Le président américain, vous l'avez dit, demande clairement et publiquement un arrêt des opérations. Mais, ce n'est pas le cas, les bombardements continuent à Gaza. Benyamin Netanyahu est-il clairement sous une pression inédite de Donald Trump, c'est comme ça que c'est perçu ?

Oui, tout à fait. Israël aujourd'hui n'a pas d'autres alliés, n'a pas d'autres soutiens dans le monde que Donald Trump. Regardez ce qui se passe, du boycott, des sanctions prévues dans de nombreux pays européens, sans parler des manifestations anti-israéliennes qui se déroulent un peu partout... Aujourd'hui, Israël est de plus en plus isolé et ne peut compter que sur Donald Trump. D'ailleurs, vendredi soir, l'annonce du président Trump était adressée en même temps au Hamas et à Israël. Et dans l'entourage de Benyamin Netanyahu, aujourd'hui, on explique que tout cela a été négocié, coordonné à l'avance, ce qui visiblement est faux.  

Vous parliez de l'espoir, évidemment, pour les familles des otages. La réaction qui est très attendue, c'est celle des alliés politiques d'extrême droite de Benyamin Netanyahu, qui font partie de la coalition...

Oui, d'abord, il faut rappeler que le gouvernement israélien est le plus annexionniste, le plus à droite, le plus religieux, le plus raciste aussi sur certains aspects de l'histoire d'Israël, et aussi bien Ben-Gvir du parti Puissance juive que Smotrich. le sioniste religieux, observent le shabbat et ne font aucune déclaration.  

Pas d'activité politique aujourd'hui, d'accord...

Voilà. Donc dans la soirée, on aura leur réaction et à mon avis, ce sera assez fort. On passe vraisemblablement sur une crise politique dans les jours et les semaines qui viennent. Et pour l'application par la suite du plan Trump, une fois le cessez-le-feu mis en place, les échanges d'otages et de prisonniers réalisés, on aura des élections en Israël, probablement dans les mois qui viennent.  

On le sait, les ministres d'extrême droite que vous évoquiez sont très radicaux et contre toute négociation avec le Hamas. Ce qui fragilise donc clairement la coalition de Benyamin Netanyahu aujourd'hui ?

Oui, tout à fait. Mais ce n'est pas seulement ça. Leurs rêves viennent d'éclater. Vous savez, ils rêvaient d'effectuer un nettoyage ethnique à Gaza pour y reconstruire des colonies. C'est fait, c'est terminé, il n'y a plus. Et puis, dans le plan Trump pour Gaza, il faut bien voir qu'à la proposition n°9 du président américain, l'Autorité palestinienne qui est détestée par ces messianiques, est mentionnée. Au point n°16, Il est écrit en toutes lettres qu'Israël n'occupera ni n'annexera pas Gaza. Au point n°19, l'éventualité d'un État palestinien est envisagée. Un État palestinien contre lequel d'ailleurs Benyamin Netanyahu lutte depuis des décennies.  

Des responsables de l'opposition ont indiqué qu'ils soutiendraient le texte à la Knesset si l'extrême droite s'y opposait. Qu'est-ce que vaut, à votre avis, cette proposition et quel est le message politique ?  

Le message politique, c'est que Benyamin Netanyahu peut faire adopter le plan Trump par la Knesset dans tous les cas, même si les partis messianiques et sionistes religieux ruent dans les brancards.  

Que pensez-vous du fait qu'on n'ait pas de calendrier et du flou qui subsiste ? On parle d'une libération d'otages sous 72 heures, ça paraît assez peu réaliste. On évoque aussi un retrait de l'armée israélienne de la bande de Gaza par étapes, mais là encore, sans calendrier. Ce flou ouvre la porte aux interprétations…

Tout à fait. Cela dit, la délégation de négociateurs israéliens part pour Le Caire ce samedi. Steve Witkoff, l'émissaire américain et Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, sont attendus aussi. Ils arrivent avec des cartes de la bande de Gaza. Ils savent probablement exactement où se trouvent les forces israéliennes. Maintenant, le point important, et c'est cela sur lequel il faut insister, c'est d'abord un cessez-le-feu. L'arrêt du carnage qui se déroule à Gaza, échanges d'otages et de prisonniers, de détenus palestiniens, et ensuite tout le reste devra être négocié. Et là, il y aura très certainement des crises d'une semaine à l'autre. Sur le Hamas, va-t-il renoncer à ses kalachnikovs ? Et Israël, quelle sera sa possibilité d'intervenir en cas d'attentat ? Tout cela sera négocié. Mais l'urgence absolue, et je crois que c'est à cela qu'ont poussé tous les négociateurs en coulisses, c'est-à-dire le Saoudien, parce qu'on reconnaît dans le texte de Donald Trump la patte de MBS, le prince héritier saoudien. Et puis bien entendu, les deux grands alliés du Hamas dans la région, le Qatar et aussi la Turquie avec Erdogan

Qu'est-ce que vous pensez de l'analyse de certains observateurs qui estiment que le Hamas étant affaibli, ses principaux parrains aussi, cette réponse positive avec conditions vise à gagner du temps…

Écoutez, le Qatar n'est pas affaibli, au contraire. Les États-Unis ont conclu un pacte de défense avec le Qatar. Je vous rappelle que les États-Unis iront défendre les intérêts du Qatar si le Qatar est attaqué d'une manière ou d'une autre. Et la Turquie accueille le Hamas, donc, les deux principaux soutiens du Hamas dans la région sont également ceux qui sont les principaux négociateurs. Ce sont des États qui sont fondamentalement liés aux Frères musulmans et donc veilleront à ce que le Hamas peut-être sera en partie désarmé, mais restera. La grande idée israélienne de détruire et de faire disparaître le Hamas de la région, cette idée aujourd'hui, selon le plan Trump, n'existe plus.  

 

Le grand aveuglement d'Israël face à l'islam radical (Albin Michel), par Charles Enderlin

 

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