Pourquoi le frelon oriental tient-il si bien l’alcool?
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Quel est le secret du frelon oriental ? Pourquoi est-il le seul animal capable de boire de l’alcool en grande quantité sans en être affecté ? Une équipe de biologistes s’est intéressé à ce cas spécifique.

Le frelon oriental (vespa orientalis) est un insecte social de la famille des guêpes, reconnaissable à sa couleur rousse. C’est son incroyable tolérance à l’alcool qui a intrigué les biologistes de l’université Ben Gourion du Néguev, en Israël. La conclusion de leur étude, parue dans la revue PNAS de l’académie des sciences américaines, est formelle : le frelon oriental peut consommer quotidiennement des quantités d’alcool extrêmement élevées sans que son comportement ou sa santé en soient affectés.
C’est le seul animal connu à ce jour qui soit capable de boire et de métaboliser autant d’alcool, ou plus exactement d’éthanol, résultant de la fermentation du sucre des fruits par une levure. La levure Saccharomyces cerevisiae est connue et utilisée depuis des millénaires en Égypte ancienne ou en Chine antique, pour fabriquer de la bière ou du vin — on a retrouvé des traces ADN de cette levure jusque dans les jarres d’un tombeau de pharaon et dans des vases chinois anciens.
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Une semaine à boire de l’alcool sans aucun effet
Cette fermentation naturelle n’excède jamais les 20° d’alcool, la levure en question ne survivant pas à des concentrations plus élevées. Il n’empêche que les autres animaux qui en consomment, comme les mouches, les abeilles, certains oiseaux frugivores, des musaraignes ou des chimpanzés, le font avec modération, à très petites doses et à visée énergétique. Seul le frelon oriental est capable d’en ingérer en quantité et surtout sans que ses fonctions ou sa santé ne soient altérées. La preuve dans cette étude, où les biologistes ont nourri pendant sept jours les frelons en leur donnant comme seule source d’énergie des solutions contenant jusqu’à 80 % d’éthanol, soit un taux bien plus élevé que nos alcools les plus forts.
Et le plus fort justement, c’est que ce régime hautement alcoolisé n’a provoqué aucune réaction, aucun effet significatif ni sur leur comportement ni sur leur durée de vie. Encore plus étonnant, les frelons orientaux n’ont même pas manifesté de préférence et donc de dépendance pour cette solution fortement alcoolisée par rapport à de l’eau sucrée. Ce qui signifie non seulement que les frelons tiennent particulièrement bien l’alcool, mais aussi qu’ils ne deviennent pas alcooliques pour autant. Ce qui n’est pas le cas par exemple des abeilles domestiques, soumises à un régime alcoolisé « ethnolisé » dans une précédente étude, les abeilles, elles, ont souffert de difficultés de locomotion et de modifications de leurs capacités cognitives, voire d’agressivité. Les abeilles alcoolisées ont eu une durée de vie plus courte et étaient toutes devenues dépendantes alcooliques. Comment expliquer qu’il n’en soit rien pour les frelons orientaux ?
Le rôle de l’enzyme ADH
Selon la biologiste Sofia Bouchebti, qui a comparé les deux études, les frelons orientaux ont bien une capacité particulière à métaboliser l’éthanol grâce à une enzyme spécifique, l’enzyme ADH, qu’ils possèdent en plusieurs exemplaires et qui témoigne d’une longue adaptation et d’une coévolution entre les frelons et les levures. Jusqu’à induire cette symbiose, ce mutualisme, les levures se développant grâce aux frelons qui, eux-mêmes, grâce aux levures, bénéficient sans modération des propriétés antimicrobiennes de l’éthanol, c’est-à-dire de l’alcool, qu’ils peuvent consommer sans aucun effet secondaire. Ce qui n‘est pas le cas, rappelons-le, des autres animaux, y compris des humains, sur Terre…

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