Jusqu’où va la science ?

Les papillons aussi ont la tête dans les étoiles

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On savait que certains oiseaux migrateurs s'orientaient grâce aux étoiles. Une étude parue dans la revue scientifique Nature montre que des papillons de nuit australiens se servent des étoiles comme boussole pour leurs migrations.  

Cette photographie prise le 5 janvier 2014 et publiée par l'université Macquarie, en Australie, montre un spécimen de papillon bogong, originaire d'Australie. Les scientifiques ont découvert que le papillon bogong d'Australie peut parcourir des milliers de kilomètres en s'orientant grâce aux étoiles, ce qui en fait le premier invertébré connu à pouvoir le faire sur de longues distances.
Cette photographie prise le 5 janvier 2014 et publiée par l'université Macquarie, en Australie, montre un spécimen de papillon bogong, originaire d'Australie. Les scientifiques ont découvert que le papillon bogong d'Australie peut parcourir des milliers de kilomètres en s'orientant grâce aux étoiles, ce qui en fait le premier invertébré connu à pouvoir le faire sur de longues distances. AFP - AJAY NARENDRA
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Les bogong, ces papillons de nuit australiens d'environ 4 centimètres, de couleur brun marron, agrotis infusa pour les intimes, viennent de faire leur entrée dans le club très fermé des animaux astronomes, capables de s'orienter sur de très longues distances grâce aux étoiles. Il y a nous, les humains, et quelques espèces d'oiseaux migrateurs comme le passerin indigo. D'autres comme les insectes bousiers, des grenouilles et même des phoques utilisent la lumière stellaire pour se déplacer, mais seulement en ligne droite et sur de très courte distance.

Le papillon de nuit bogong, lui, est connu pour ses impressionnantes migrations saisonnières nocturnes : il parcourt plus de 1 000 kilomètres en automne pour passer l'été austral au frais, dans les grottes des Alpes australiennes. Et il revient au printemps sur son lieu de naissance, dans les plaines du sud pour pondre, grâce à une sorte de carte du ciel, de GPS intégré. C'est, à ce jour, le seul invertébré connu à utiliser le ciel étoilé comme boussole, selon les chercheurs David Dreyer et Andréa Adden, de l'université de Lund en Suède qui, avec des biologistes australiens, ont réalisé cette étude parue dans la revue Nature le 18 juin dernier.

Une étude qui fait suite à une première étude de David Dreyer, qui avait déjà montré en 2018 que ces papillons australiens, comme les oiseaux migrateurs, se servaient du champ magnétique terrestre pour se repérer pendant leur long périple, mais pas seulement. Car en modifiant artificiellement l'orientation du champ magnétique terrestre, les papillons désorientés au départ parvenaient à se recaler dans la bonne direction. Signe qu'ils utilisaient aussi d'autres boussoles, d'autres indices, notamment astronomiques, pour se repérer sur plus de 1 000 kilomètres vers un lieu qu'ils ne connaissaient pas.  

Les chercheurs ont réussi à montrer que ces papillons nocturnes migraient en regardant les étoiles et en suivant la Voie lactée en menant plusieurs expériences. En plaçant des papillons dans une sorte de simulateur de vol, pour vérifier d'abord qu'ils gardaient bien leur cap quel que soit le paysage : montagnes, arbres ou forets. Puis, pour vérifier l'hypothèse astronomique, les chercheurs ont annulé le champ magnétique terrestre et ont projeté dans le noir complet l'image du ciel étoilé de l'hémisphère sud aux papillons tantôt dans le bon sens, tantôt inversé ou aléatoire. Et là, bingo : les papillons se sont systématiquement orientés dans le bon sens quand le ciel étoilé l'était. Ils ont inversé le sens de leur vol quand le ciel étoilé au-dessus d'eux était inversé. Et se sont retrouvés totalement désorientés quand les étoiles étaient placées de façon aléatoire.   

Il restait à découvrir comment le cerveau de ces papillons nocturnes de 4 centimètres peut traiter autant d'informations différentes, à la fois visuelles et sensitives, de positions et de directions. Pour le comprendre, les chercheurs ont mis des électrodes sur les papillons qu'ils ont placés sur une plateforme pivotante. Ils ont ainsi réussi à mettre en évidence plusieurs types de réponses neuronales complexes comme l'inhibition ou l'excitation liée à la position de l'insecte par rapport au nord. Plus étonnant encore : en projetant des figures lumineuses imitant la forme allongée de la Voie lactée ou de la nébuleuse Carina – l'objet céleste le plus lumineux qui soit visible en Australie –, les chercheurs ont mis en évidence que ces stimuli visuels déclenchaient les réponses neuronales appropriées chez ces papillons de nuit australiens, dont le mini-cerveau est parfaitement et même astronomiquement calibré pour une navigation très précise qui s'appuie sur plusieurs boussoles sensorielles à la fois magnétiques et visuelles.

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