Jusqu’où va la science ?

Chewing-gum du Néolithique

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Nos ancêtres aussi mâchaient du chewing-gum, il y a 6 000, voire 10 000 ans. Fabriqués à partir de goudron d’écorce de bouleau, ces chewing-gums datant du Néolithique sont de vraies mines d’or pour la recherche.

Fragments de goudron de bouleau datant du Néolithique, étudiés pour leur contenu en ADN humain et végétal afin de retracer les pratiques quotidiennes de l’époque.
Fragments de goudron de bouleau datant du Néolithique, étudiés pour leur contenu en ADN humain et végétal afin de retracer les pratiques quotidiennes de l’époque. © Proceedings of the Royal Society B / CC BY 4.0
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Dis-moi ce que tu mâches et je te dirai qui tu es. Les chewing-gums du Néolithique ont la particularité de très bien se conserver et d’avoir préservé l'ADN de celui ou celle qui les a mâchés ainsi que tous les éléments emprisonnés dans la résine de l’écorce de bouleau à partir de laquelle nos ancêtres fabriquaient, en la chauffant à l’étouffée, le goudron ou brai de bouleau qui leur servait d’abord et avant tout de colle adhésive. C’est même la toute première, la plus ancienne colle connue au monde, retrouvée dans de nombreuses céramiques et outils préhistoriques. Une colle qu’il fallait mâcher au préalable pour la rendre plus adhésive et qui était donc aussi une gomme à mastiquer, à usage récréatif ou médicinal. Cela reste encore une énigme pour les paléogénéticiens qui étudient de très près désormais ces morceaux de chewing-gums néolithiques et pour cause.

En 2019, l’une de ces résines mâchées, exhumée sur le site de Sylthom, au Danemark, avait permis de faire le portrait-robot de la chasseuse-cueilleuse qui l’avait mastiqué il y a 5 700 ans. À partir de brins d'ADN préservés dans le chewing-gum, les chercheurs ont pu reconstituer le génome entier de « Lola », surnom qu'ils ont donné à cette Scandinave à la peau sombre et aux yeux bleus qui, il y a 5 700 ans, se nourrissait de canard et de noisettes, dont des traces d'ADN ont également été retrouvées dans la gomme à mâcher, avec d’autres traces d'ADN microbien que les scientifiques ont identifié comme le microbiote buccal de nos ancêtres, assez similaire au nôtre, même si dans la bouche des préhistoriens il y avait nettement plus de bactéries pathogènes que dans la nôtre.

Quelles autres révélations sur la vie quotidienne de nos ancêtres sont contenues dans ces chewing-gums préhistoriques ?

D’abord qu’ils les mâchaient depuis près de 10 000 ans, comme l'a montré une étude parue en 2024 menée sur un site mésolithique de Suède. Plus récemment encore, le 14 octobre dernier, une vaste étude, publiée en accès libre dans la revue Proceedings of the Royal Society et relayée dans la prestigieuse revue Science, menée par une équipe de chercheurs de l’université de Copenhague, a poussé plus loin encore l’analyse métagénomique de 30 échantillons de ces gommes ou colles à mâcher et à coller préhistoriques, exhumées dans différents sites néolithiques des Alpes. Ils ont ainsi pu extraire de l'ADN de 19 échantillons et déterminer, pour 16 d'entre eux, le sexe de celles et ceux qui les avaient mastiqués.

Le résultat est étonnant : certains de ces chewing-gums avaient été mâchés par plusieurs personnes et contenaient à la fois de l'ADN masculin et féminin. D’autres, notamment les gommes à coller les outils en pierre, n’avaient été mâchées que par des hommes, tandis que celles qui avaient servi à coller des poteries ne contenaient que de l'ADN féminin. De là à dire qu’en analysant les restes de gommes à mâcher et à recoller les morceaux permettrait d’éclairer la répartition des tâches entre les sexes chez nos ancêtres du Néolithique, il n’y a qu’un pas qui fera l’objet de futures recherches, notamment dans d’autres régions du monde où les fossiles humains ne se préservent pas, mais les chewing-gums si. Dis-moi ce que tu as mâché et je te dirai qui tu as été. 

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