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«Journal intime du Liban», Revolution Blues

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Le deuxième film de Myriam El Hajj est un documentaire sensible qui, à travers l’engagement de trois Beyrouthins, raconte les traumatismes et les espoirs des Libanais dans les années 2018-2021.

L’artiste Perla Joe, chanteuse, auteure-compositrice, cinéaste, est devenue une des figures de proue de la révolution d’octobre 2019.
L’artiste Perla Joe, chanteuse, auteure-compositrice, cinéaste, est devenue une des figures de proue de la révolution d’octobre 2019. © Abbout Productions & Gohogo Films
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Trois personnages, trois parcours, trois générations différentes. Mais une aspiration commune : lutter pour sauver le Liban, le sortir de l’instabilité, de la violence, de la corruption. En tissant le lien entre l’intime et le politique, la vie personnelle et les soubresauts du pays, Myriam El Hajj raconte la colère qu’elle partage avec les différents protagonistes du film. Notamment à travers la «thaoura», la révolution, autrement dit les grandes manifestations qui ont éclaté en 2019-2021, qui sont arrivées au milieu du tournage. Journal intime du Liban commence en 2018, et se termine quelques mois après la violente et meurtrière explosion sur le port de Beyrouth le 4 août 2020, un nouveau traumatisme national.

Le plus âgé des personnages, c’est Georges, un ancien combattant chrétien pendant la guerre civile libanaise. Il y a perdu une jambe et beaucoup d’illusions, mais il reste hanté par son passé de vétéran. Derrière son regard, se cachent des secrets et des non-dits bien lourds à porter. La réalisatrice situe cet homme dans la continuité de Trêve, son précédent et premier long-métrage.

Mais c’est avec Joumana que Myriam El Hajj démarre son récit filmé. C’est en 2018 qu’elle a rencontré cette militante dynamique et volontaire, candidate aux élections législatives au nom du changement après plus de 40 ans de pouvoir des «grandes familles» issues de la guerre. Dégagisme, lutte contre la corruption et rejet du confessionnalisme. Las ! Annoncée en tête au soir des résultats, son élection a été invalidée le lendemain.

La troisième figure centrale du film, c’est Perla Joe, chanteuse, auteure-compositrice, cinéaste. Une écorchée vive prompte à se saisir d’un porte-voix pour crier la détresse des siens face aux injustices, au point de devenir une des figures de proue de la révolution d’octobre 2019. C’est sa voix qui termine le film, son chant de rage apportant une note d’espoir.

Outre le soulèvement populaire, plusieurs autres événements viennent affecter la vie des personnages : la crise économique et bancaire de 2019-2020 durant laquelle la livre libanaise perd 98% de sa valeur, ruinant ainsi les épargnants ; la survenue au printemps 2020 de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 ; mais surtout le 4 août 2020, l’explosion dans le port de Beyrouth de 2 750 tonnes de nitrates d’ammonium. Bilan : 235 morts, 6 500 blessés, 77.000 bâtiments détruits ou endommagés, et environ 300.000 sans-abris. Un drame national qui alimente davantage encore la colère des manifestants contre la corruption et l’incurie des autorités.

Journal intime du Liban, de Myriam El Hajj. Sortie le 15 octobre 2025.

Pendant la guerre civile, Georges était surnommé «l’homme de la nuit», car il ne fermait jamais l’œil.
Pendant la guerre civile, Georges était surnommé «l’homme de la nuit», car il ne fermait jamais l’œil. © Abbout Productions & Gohogo Films
Joumana a fait campagne pour la société civile à l’occasion des législatives de 2018. Mais son élection a été invalidée.
Joumana a fait campagne pour la société civile à l’occasion des législatives de 2018. Mais son élection a été invalidée. © Abbout Productions & Gohogo Films

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