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«Perpétuité», la prison de l’autre côté de l’œilleton

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Dans son quatrième roman paru aux éditions Verticales, Guillaume Poix raconte le service de nuit des surveillants pénitentiaires dans une maison d’arrêt du sud de la France. Passionnant. 

La ronde est l’une des tâches incontournables des surveillants. Leur principale hantise : le suicide d’un détenu.
La ronde est l’une des tâches incontournables des surveillants. Leur principale hantise : le suicide d’un détenu. © FRANK PERRY / AFP
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Une centaine de gardiens dans la journée, 11 dans l’équipe de nuit, pour garder 950 détenus, dans une prison censée en accueillir 617. Plus qu’un long discours, ces chiffres, qui figurent dans le deuxième chapitre du nouveau roman de Guillaume Poix, démontrent s’il en était besoin que la surpopulation carcérale est une réalité comptable implacable, qui rend d’autant plus difficile le métier de surveillant.

C’est avec eux que le lecteur de Perpétuité découvre les arcanes et le quotidien de cette maison d’arrêt que l’ouvrage situe dans le sud de la France, comme celle dans laquelle l’auteur a pu s’immerger à plusieurs reprises, de jour comme de nuit. Pierre, le premier surveillant, dirige cette équipe de nuit qui prend son service à 18h45. Lui et ses collègues Houda, Kim, Aziz, Abraham, Maëva, Sandrine ou Bébel, le savent en enfilant leur uniforme siglé « administration pénitentiaire » : les heures qui viennent oscilleront entre la routine la plus codifiée et les imprévus les plus dramatiques.

Guillaume Poix raconte le mirador et le mitard ; le portier et la ronde de nuit ; les « projections » d’objet par-dessus le mur d’enceinte ; l’arrivée d’un détenu très médiatique -un tueur en série récidiviste- avec les procédures d’usage (attribution du matricule, photo, biométrie, fouille intégrale) ; l’extraction médicale d’un prisonnier vers l’hôpital ; l’incendie d’une cellule et les dégâts matériels et humains qui suivent.

Le livre met aussi en scène deux femmes qui exercent des responsabilités importantes au sein de la prison : Bianca, la cheffe d’établissement, dont les rapports et les notes ne cessent de réclamer davantage de moyens aux autorités préfectorales ou à l’administration pénitentiaire ; et Emilie, la directrice de détention, femme sensible qui connaît aussi bien les gardiens que les détenus, parfois au point de trop s’y attacher.

A travers les dialogues, les pensées et parfois les arrière-pensées des surveillants, le romancier partage aussi les états d’âmes et le mal-être de ces hommes et de ces femmes qui exercent ce métier indispensable à la société, mais si mal payé et si déconsidéré qu’on l’exerce rarement par vocation. Sans parler des conséquences parfois désastreuses -horaires de nuit obligent- sur la santé physique et mentale des intéressés, mais aussi sur leur vie de couple ou de parent. « Boulot de con, vie de merde », se dit Pierre dont le corps est couvert de plaques d’eczéma. « C’est nous qui avons pris perpète », gémit sa collègue Maëva. Pourtant, ce que l’on retient, c’est surtout l’humanité et la conscience professionnelle de ces personnels rarement reconnus pour l’indispensable service qu’ils rendent à la société.

Perpétuité, Guillaume Poix (Verticales).

 

Pour écrire ce roman, Guillaume Poix a effectué plusieurs séjours en immersion à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), la journée, mais aussi la nuit.
Pour écrire ce roman, Guillaume Poix a effectué plusieurs séjours en immersion à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), la journée, mais aussi la nuit. © Photo Francesca Mantovani/Éditions Gallimard

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