L'Atelier politique

Henri Guaino: «le jugement contre Nicolas Sarkozy est un coup d'État judiciaire»

Publié le :

L'ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy s'insurge contre la condamnation de l'ancien président à cinq ans de prison ferme dans l'affaire libyenne. Pour lui, cette décision constitue une atteinte grave à la séparation des pouvoirs et aux institutions républicaines. Henri Guaino est l’invité de l’Atelier Politique. Il répond aux questions de Frédéric Rivière.

Une extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.

Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy
Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy © RFI
Publicité

« Surprise, stupéfaction, puis révolte »

« D'abord, la surprise, ne serait-ce que parce que le jugement a commencé par les relaxes », confie Henri Guaino lorsqu’on lui demande comment il a réagi en prenant connaissance de la sentence :  « Personne ne s'attendait à une peine de la nature de celle qui a été prononcée. Donc, la surprise, la stupéfaction, si vous préférez. Et puis ensuite, la révolte ».

L'homme politique se réfère immédiatement à Albert Camus : « Je suis très camusien et je trouve qu'on devrait faire lire à tous les gens qui occupent des responsabilités l'Homme révolté de Camus. Et ça commence comme ça : l'homme révolté est un homme qui dit non. Qu'y a-t-il dans ce non ? Vous avez franchi une limite ».

Un procès « sans preuve tangible »

Pour Henri Guaino, la condamnation repose sur des fondements juridiques fragiles : « Le tribunal commence par dire au fond, le parquet financier n'a rien, n'a pas été capable de fournir des preuves », notamment « la preuve qu'il y avait de l'argent libyen dans la campagne ». Selon lui, « le tribunal s'est dit : "Au fond, je suis persuadé qu'il est coupable quand même. Donc, il faut que je trouve un moyen de le condamner" ».

L'ancien conseiller conteste particulièrement le chef d'association de malfaiteurs : « L'association de malfaiteurs, elle est là dans un but précis, dans le Code pénal, vise des cas précis. Vous préparez un braquage. Bien. On va trouver des éléments chez les braqueurs [...] dans ce cas de figure que préparait-il  ? »

la question des rencontres diplomatiques

Henri Guaino s'attaque frontalement à l'interprétation des rencontres entre les collaborateurs de Nicolas Sarkozy et des responsables libyens, notamment Abdallah Senoussi. Pour lui, ces rencontres s'inscrivaient dans le cadre normal des fonctions ministérielles : « Tous les ministres de l'Intérieur font une partie de la politique extérieure qui les concerne. La lutte contre le terrorisme, c’est eux ! ». « Ça veut dire que le tribunal et le parquet financier jugent la politique extérieure de la France », dénonce-t-il, qualifiant cette démarche de « coup d'État judiciaire contre la séparation des pouvoirs ».

Pour Henri Guaino, cette affaire aurait dû relever de la Cour de justice de la République, seule compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice des fonctions ministérielles.

« Un meurtre symbolique » de la fonction présidentielle

L'ancien conseiller place l'enjeu au niveau institutionnel. « Il n'y a eu que deux chefs d'État jusqu'à présent en France qui sont allés en prison : Louis XVI avant d'être guillotiné et le maréchal Pétain pour haute trahison et collaboration avec l'ennemi...et maintenant Nicolas Sarkozy ».

Cette condamnation, selon lui, « désacralise complètement la fonction présidentielle ». « En l'envoyant en prison, on commet un meurtre symbolique. Symbolique, mais qui est terrible pour la place du politique dans la société ».

Mitterrand avait prévenu

Henri Guaino fait sienne la célèbre formule de François Mitterrand : « Les juges ont tué la monarchie, ils tueront la République ». « Après que le roi est monté à l'échafaud, après que les nobles sont montés [...] la justice a été totalement bâillonnée pendant la révolution. On a fait la loi des suspects pendant la révolution et là, nous vivons de nouveau sous l'emprise de la loi des suspects ».

Une dérive occidentale généralisée

Pour Henri Guaino, ce phénomène dépasse le cas français. « C'est une dérive qu'on constate dans tous les pays occidentaux », affirme-t-il, citant les États-Unis et le Brésil.

« Il y a une volonté dans cette période d'affaiblissement du pouvoir politique, qui a des causes. Les sociétés occidentales souffrent terriblement, donc elles en veulent au pouvoir politique », analyse-t-il.

La conséquence ? « Le pouvoir judiciaire tente de prendre le dessus sur le pouvoir politique », créant ce qu'il appelle « le gouvernement des juges ». « On ne fait plus le droit par la démocratie, mais la démocratie par le droit ».

Un appel à la grâce présidentielle

Henri Guaino plaide pour une grâce présidentielle partielle sur l'exécution provisoire de la peine. « Le président de la République est en charge du bon fonctionnement des institutions. C'est lui qui doit le faire respecter ».

« Le désordre démocratique dans un tribunal [...] est plus grand avec ces peines d'exécution provisoire que sans ces peines d'exécution », justifie-t-il, évoquant « une vraie atteinte à l'ordre public démocratique ».

Critiques de la politique internationale de Macron

Sur la reconnaissance de l'État palestinien par Emmanuel Macron, Henri Guaino est sévère : « C'est une faute ». « La reconnaissance de l'État palestinien aurait dû rester une carte dans la négociation », estime-t-il.

Concernant l'Ukraine, il prône le réalisme : « S'il y a un conflit en Europe avec la Russie, les États-Unis se maintiendront en dehors de ce conflit ». « La Russie ne va pas déménager, il faut compter avec elle », rappelle-t-il, citant de Gaulle : « La politique se fait à partir des réalités ».

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes