L'Atelier politique

Alexandre Jardin : «Les Gueux sont l’exact opposé du mouvement Bloquons tout»

Publié le :

Le fondateur du mouvement «Les Gueux» revient sur son combat contre les zones à faibles émissions et sa vision d'une démocratie plus participative. Entre colère sociale et propositions concrètes, l'écrivain engagé propose les contours d'un nouveau rapport au pouvoir.

Une extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.

Alexandre Jardin, fondateur du mouvement «Les Gueux».
Alexandre Jardin, fondateur du mouvement «Les Gueux». © RFI
Publicité

De l'association «Lire et faire lire» au mouvement des Gueux, Alexandre Jardin n'a cessé de multiplier les initiatives citoyennes. Invité de «L'Atelier politique», l'écrivain et président du mouvement Les Gueux livre son analyse d'une France en proie à la «déconnexion» politique et sociale, tout en défendant ses combats contre les zones à faibles émissions (ZFE) et la programmation pluriannuelle de l'énergie. Il répond aux questions de Frédéric Rivière.

Un mouvement né d'une indignation

L'histoire des Gueux commence par une rencontre fortuite dans une boulangerie de l'Aude, le 31 décembre 2024. Alexandre Jardin y découvre la colère d'un maçon divorcé qui ne pourra plus récupérer ses enfants à Montpellier à cause des nouvelles restrictions de circulation : «Pour la première fois, j'entends parler de ce mot ZFE, les zones à faibles émissions», raconte-t-il.

La prise de conscience est brutale : «Je comprends que ça concerne 11 millions de véhicules soit entre 22 et 26 millions de Français.» L'indignation de l'écrivain se transforme rapidement en action. Un post sur les réseaux sociaux qui se termine par ces mots : «Mais on s'en fout, c'est des gueux !» devient viral : «Le lendemain, je rallume mon téléphone : 540 000 personnes étaient venues le voir et le mot gueux était devenu un hashtag.»

Une victoire contre les ZFE

Le mouvement prend rapidement de l'ampleur. Alexandre Jardin dénonce une mesure qui «remet en cause la République, l'égalité, la liberté, et la fraternité». Selon lui, l'impact écologique était «complètement marginal par rapport au désastre social».

La mobilisation porte ses fruits, explique Alexandre Jardin: «On est arrivé à convaincre 78% - je le sais parce qu'on l'a fait mesurer par l'Ifop - qu'il fallait que cette loi tombe et on l'a fait abroger par l'Assemblée.»

Une ministre «déconnectée»

L'entretien avec Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'Environnement, illustre selon Alexandre Jardin cette déconnexion des élites. Il relate cette scène où, interrogeant la ministre sur la perte de valeur des véhicules interdits, celle-ci décroche son téléphone pour se renseigner : «Toute la France le savait. Et elle raccroche. Et je lui dis 'Madame, votre geste-là, le coup de fil, vous venez de m'apporter la preuve que vous n'en saviez rien puisque vous vous renseignez sous mon nez'.»

L'enjeu financier est colossal : «Si on prend une moyenne de 4000€ par voiture concernée, vous faites 11 millions de véhicules, vous êtes en train de piquer 44 milliards aux classes populaires françaises.»

La bataille de la facture d'électricité

Après les ZFE, c'est la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui mobilise les Gueux. Alexandre Jardin alerte sur les conséquences de ce texte : «Notre facture d'électricité qui a déjà doublé en France en douze ans, si cette PPE est signée, on part vers un doublement.»

Il pointe la contradiction écologique : «Si on veut gagner le combat écologique, il faut qu'on électrifie nos usages. Et vous ne pouvez pas électrifier les usages si vous augmentez le prix.» Pour lui, c'est un cercle vicieux qui s'annonce.

Distance avec «Bloquons tout»

Alexandre Jardin prend ses distances avec le mouvement «Bloquons tout», expliquant dans une tribune du Figaro qu'il en est «l'exact opposé». Sa critique est double : d'abord, «bloquer un pays à l'arrêt, c'est bizarre», ensuite la récupération politique : «À partir du moment où Mélenchon a planté son drapeau en faisant une OPA là-dessus, ça ne pouvait pas nous concerner.»

La stratégie des Gueux repose sur l'unité : «Le mouvement des Gueux n'est puissant que parce qu'il n'est pas récupéré par des partis. Vous ne gagnez que si vous avez 80% des Français avec vous».

Une vision apartisane

Cette approche limite certes le champ d'action, mais Alexandre Jardin l'assume : «Mon problème, c'est de faire gagner les gens», dit-il, reconnaissant que certains sujets comme les retraites ne seront jamais des «causes de gueux» car «il n'y a pas d'unité».

Le référendum d'initiative citoyenne

La solution politique préconisée par Alexandre Jardin s'inspire du modèle suisse : le référendum d'initiative citoyenne. «En Suisse, au niveau fédéral, il faut 100 000 signatures, donc nous, il en faudrait 700 ou 800 000», explique-t-il.

L'intérêt du système, selon lui, ne réside pas tant dans l'usage du référendum que dans son effet dissuasif : «en Suisse, 93% des lois ne viennent pas des référendums, elles viennent du Parlement fédéral. Mais le risque pour le Parlement de se prendre dans les dents une réaction du citoyen fait que le travail d'écoute et de construction des lois est plus à l'écoute.»

Un optimisme combatif

Malgré ce tableau sombre d'une France «déconnectée», Alexandre Jardin reste optimiste : «Bien évidemment», répond-il quand on lui demande s'il croit en l'avenir du pays. «La France, elle remonte toujours. C'est son métier.« «On a une crise de la déconnexion», diagnostique-t-il, mais la solution existe : «Nous voulons des citoyens à part entière, à temps plein», sur le modèle suisse où «le citoyen n'est pas viré le soir des élections».

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes