Donald Trump-Nigeria: la diplomatie comme outil de politique intérieure

Le président américain Donald Trump s'en prend au Nigeria depuis quelques jours. Mais le message s'adresse surtout au public américain.

Un vendeur propose des journaux locaux dont les titres font référence aux propositions du président américain Donald Trump sur le Nigeria, dans une rue de Lagos, au Nigeria, le dimanche 2 novembre 2025. AP - Sunday Alamba

Samedi 1er novembre, Donald Trump était chez lui dans son club privé de Mar-a-Lago à West Palm Beach en Floride. Après sa tournée asiatique, il aurait pu se reposer tranquillement. Au lieu de ça, il a de nouveau pris tout le monde par surprise. Avec une publication sur son réseau social personnel pour menacer le Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique, d’arrêter toute aide américaine et d’intervenir militairement pour faire cesser les meurtres de chrétiens.

Il s’en prend aux autorités du pays, qu’il dit désormais déshonoré, pour leur reprocher de ne rien faire contre les terroristes islamistes. Et il demande au ministère de la Guerre, le nouveau nom du ministère de la Défense, de se préparer. « Oui, chef », répond son ministre Pete Hegseth.

Une proposition de dialogue

Difficile de dire à quoi il faisait allusion, mais on sait depuis longtemps qu’il y a parfois un écart important entre la réalité et les affirmations de Donald Trump ou de son entourage. C’est vrai que les groupes jihadistes du nord tuent au Nigéria, mais selon les spécialistes, leurs victimes se comptent aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans dans ce pays où les croyants se partagent à part à peu près égale - le nord étant majoritairement musulman et le sud, majoritairement chrétien.

C’est ce qu’a tenté d’expliquer le président nigérian en proposant une rencontre à son homologue américain dans les prochains jours pour en parler et lui proposer de combattre ensemble le terrorisme islamiste. Mais aucune rencontre n’est prévue dans l’immédiat.

Parler à son électorat

C’est sans doute parce que Donald Trump ne parlait pas aux autorités nigérianes. Il s'adressait plutôt de toute évidence à sa base électorale : les chrétiens évangéliques américains, particulièrement blancs, votent pour lui pratiquement comme un seul homme. Malgré sa personnalité controversée, qui peut parfois les choquer, Donald Trump leur « livre la marchandise », comme disent les Américains. C’est ce qu’il a fait par exemple avec les nominations de juges conservateurs à la Cour suprême qui ont mis fin à la protection du droit constitutionnel à l’avortement.

Récemment, ces groupes conservateurs ont évoqué sans preuve un génocide des chrétiens au Nigéria. Depuis, le pays a été désigné en fin de semaine dernière comme étant particulièrement inquiétant en matière de liberté religieuse : cela ouvre la voie à des sanctions.  

Ce n’est pas la première fois que Donald Trump s’en prend à des pays africains pour des raisons de politique intérieure. Souvenez-vous des commentaires insultants sur les pays africains en général lors de son premier mandat. Depuis son retour, il s'en est pris l’Afrique du Sud, la première puissance économique du continent. Son gouvernement est accusé de ne rien faire contre le massacre supposé de fermiers blancs afrikaners. Certains ont d’ailleurs déjà été accueillis comme des réfugiés aux États-Unis.

Le pays prévoit de réduire radicalement le nombre de réfugiés l’an prochain, à environ 7 500 places, quasiment toutes déjà réservées à des Afrikaners. Ça, c’est pour parler à la partie de son électorat qui dénonce ce qu’elle appelle le « racisme anti-blancs » : bien que le phénomène puisse exister marginalement, il ne constitue pas la majorité du genre.