Polémique sur Vichy et rôle de Pétain: les contre-vérités d’Éric Zemmour
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En déplacement à Vichy le 8 décembre 2021, Emmanuel Macron a insisté sur l’importance de ne pas manipuler, agiter ou revoir l’Histoire. Cette déclaration cible implicitement les contre-vérités du candidat à la présidentielle française Éric Zemmour, sur le gouvernement de Philippe Pétain durant la Seconde Guerre mondiale.

« Vichy nous renvoie à une Histoire. [...] Gardons-nous de la manipuler, de l’agiter, de la revoir », a déclaré le chef de l’État sur France Bleu. Sans le citer nommément, Emmanuel Macron fait directement allusion aux déclarations d’Éric Zemmour. L’ancien polémiste le réaffirmait lors d’une interview pour Europe 1 et Cnews en septembre dernier : « Vichy a protégé les juifs français et donné les juifs étrangers. » Cette thèse qu’il défend depuis longtemps déjà, présente Philippe Pétain comme le sauveur des juifs français durant l’occupation entre 1940 et 1944. Ses propos récents ont fait resurgir la polémique. « Le mythe du Pétain protecteur des juifs ne résiste pas une seconde à l’analyse historique », s’est notamment indigné le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune, sur Radio J.
La question ne fait aujourd’hui plus débat, puisqu’il y a une réalité historique qui repose sur des faits et des documents incontestables. S’il est vrai que les juifs d’origine étrangère ont été les premiers ciblés par le gouvernement de Pétain, les juifs français ont également fait l’objet de rafles dès 1942, comme au Vel d’hiv, par exemple, où environ 4 000 enfants juifs français seront déportés dans des camps de la mort, sur ordre de Vichy. Les registres du Mémorial de la Shoah à Paris en attestent.
On y trouve aussi des documents tels que le décret sur le statut des juifs adopté le 3 octobre 1940, un texte annoté par Pétain, montrant comment il s’est personnellement employé à durcir le sort des juifs en France à l’époque, et pas seulement en zone occupée. Donc non, Pétain n’a ni protégé ni sauvé les juifs français comme le prétend Éric Zemmour.
Consensus historiographique
Selon l’historien mondialement reconnu Robert O. Paxton, l’ancien maréchal n’aurait même jamais demandé aux Allemands de ne pas les déporter. Éric Zemmour s’attaque précisément aux travaux de Robert O. Paxton qui selon lui sont à l’origine d’une doxa sur Vichy. Pourtant, les éléments qu’apporte l’historien américain dans son livre, La France de Vichy, paru en 1972, s’inscrivent dans un consensus sur le récit de cette période historique.
En s’appuyant sur les archives allemandes, françaises et américaines, il est le premier à établir les responsabilités du régime de Pétain. Éric Zemmour de son côté s’appuie sur une poignée d’historiens très contestés qui dédouanent en partie Pétain de ses responsabilités. Robert O. Paxton est lui-même revenu sur les propos du candidat dans un entretien accordé au journal Le Monde publié le 2 décembre 2021.
L’obsession du fondateur du parti Reconquête, c’est de dresser le portrait d’une France glorifiée qui n’a pas à rougir de son passé. Un discours basé sur des contre-vérités notamment à même de séduire l’électorat d’extrême droite.
Son raisonnement va même plus loin. Il veut en finir avec la « culpabilité et la repentance ». « On essaie de culpabiliser le peuple français », dit-il « pour qu’il se soumette à l’invasion migratoire et à l’islamisation du pays ». L’histoire de Vichy vue par Éric Zemmour n’est qu’un élément dans un argumentaire visant à promouvoir la thèse conspirationniste du « Grand remplacement » promue par Renaud Camus.
Poursuite en justice
Concernant ses déclarations sur Pétain, Éric Zemmour a été jugé en février dernier pour « contestation de crime contre l'humanité ». Le parquet avait requis 10 000 euros d’amende, mais le tribunal de Paris l’a relaxé, jugeant que ces propos avaient été prononcés « à brûle-pourpoint lors d'un débat sur la Syrie », tout en reconnaissant qu’ils contenaient « la négation de la participation [de Pétain] à la politique d'extermination des juifs menée par le régime nazi ». Les plaignants, SOS Racisme, la Licra, et l’UESJ ont décidé de faire appel. Le procès est programmé le 20 janvier 2022.
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