Les dessous de l'infox, la chronique

#Fraude: le mythe de l’élection présidentielle française truquée

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Depuis la victoire d’Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle française dimanche 24 avril, certains affirment sur les réseaux sociaux que l’élection a été truquée. Une fraude massive qui aurait permis la victoire du président sortant. Mais les quelques preuves apportées pour démontrer cette prétendue fraude sont en réalité des infox.

Le #Fraude est omniprésent sur les réseaux sociaux depuis l'annonce de la victoire d'Emmanuel Macron.
Le #Fraude est omniprésent sur les réseaux sociaux depuis l'annonce de la victoire d'Emmanuel Macron. © Captures d'écran/ Montage RFI
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« Cette élection est montée de toutes pièces ! ». « Sans le trucage de l’élection, Macron n’aurait jamais gagné, c’est impossible. » Au lendemain du vote, des dizaines de milliers de messages de ce type sont apparus sur les réseaux sociaux, avec le #Fraude. Des posts souvent accompagnés d’images de la soirée électorale de France 2 diffusée le soir du dimanche 24 avril et censées prouver la fraude.

C’est un graphique actualisé en direct avec les chiffres du ministère de l'Intérieur et diffusé en direct par la chaîne qui est pointé du doigt. Celui-ci va attribuer 14 603 774 voix à Marine Le Pen aux alentours de 21h10, alors que le décompte définitif du ministère de l’Intérieur indique qu’elle a recueilli, au total, 13 288 686 voix. Une preuve pour certains que plus d’un million de votes pour la candidate du Rassemblement national se seraient donc envolés dans la nature.

France 2 annonce en direct par erreur 14 603 774 voix pour Marine Le Pen et 14 388 938 voix pour Emmanuel Macron aux alentours de 21 h 10.
France 2 annonce en direct par erreur 14 603 774 voix pour Marine Le Pen et 14 388 938 voix pour Emmanuel Macron aux alentours de 21 h 10. © Capture d'écran France 2/ RFI

Le résultat d’un bug informatique

En réalité, ce nombre erroné affiché par France 2 est le résultat d’un bug informatique. Le logiciel chargé de récupérer automatiquement les données du ministère de l’Intérieur a dysfonctionné. « Notre outil a mal pris en compte la progression du décompte effectué par le ministère de l'Intérieur. C'est-à-dire que, pour certaines communes, lorsque le décompte progressait et que le nombre de voix y était précisé, notre outil n'a pas considéré cela comme une mise à jour du nombre de votes dépouillés dans ces communes. Il a traité cette information comme de nouveaux chiffres à ajouter au total du nombre de voix déjà dépouillées », a précisé à France 24 le directeur technique d’Excense, le prestataire chargé de ce service.

France 2 a finalement corrigé son erreur plus tard dans la soirée. Le graphique diffusé vers 22h40 présentait ainsi les données fournies par le ministère de l’Intérieur.

Vers 22 h 40, les données présentées par France 2 étaient corrigées et correspondaient bien à celles du ministère de l'Intérieur.
Vers 22 h 40, les données présentées par France 2 étaient corrigées et correspondaient bien à celles du ministère de l'Intérieur. © Capture d'écran France 2/ RFI

La chaîne et son prestataire se sont ensuite excusés pour cette erreur qui a touché les résultats des deux candidats. 

Les archives du site du ministère de l’Intérieur, disponibles grâce à l’outil Wayback Machine, montrent bien que Marine Le Pen n’a jamais été créditée de plus de voix, qu’elle en a obtenues au décompte final.

Les archives du site internet du ministère de l'Intérieur prouvent que Marine Le Pen n'a jamais perdu de voix au cours du décompte.
Les archives du site internet du ministère de l'Intérieur prouvent que Marine Le Pen n'a jamais perdu de voix au cours du décompte. © Capture d'écran ministère de l'Intérieur/ Montage RFI

Convergence des théories conspirationnistes

Parmi ceux qui relaient activement cette théorie d’une fraude massive, on retrouve principalement les acteurs traditionnels de la complosphère, tous soutiens de Marine Le Pen pour le second tour. L'essayiste Morad El Hattab, la youtubeuse suisse Chloé Frammery, ou encore l’homme politique François Asselineau. Ce sont les mêmes qui avancent que la pandémie de Covid-19 est une invention ou que le vaccin est un poison, qui affirment aujourd’hui qu’il y a eu fraude.

Les avocats Carlo Alberto Brusa et Maud Marian ont annoncé déposer, le vendredi 29 avril, un recours devant le Conseil constitutionnel pour contester la légalité de l’élection. Carlo Alberto Brusa, complotiste influent et président de l’association Réaction 19, affirme avoir recueilli plus de 6 000 mandats en soutien à son recours. 

Pour justifier cette « fraude », il s’appuie également sur un document qui affirme que les serveurs de données du site internet du ministère de l’Intérieur sont hébergés aux États-Unis. Les données des bureaux de vote transiteraient aux États-Unis avant d’être consultées en France.

C’est faux, le ministère de l’Intérieur n’héberge aucune donnée à l’étranger. « Nos centres de collectes des données sont situés sur le territoire français », nous affirme le ministère. Un réseau de diffusion de contenu utilisant des serveurs différents à l’international est bien utilisé, notamment pour diffuser les résultats partout dans le monde, mais cela n’a aucun rapport avec la collecte des résultats de l’élection et ne peut en aucun cas permettre une fraude.  

Une résonance à l’international 

Cette infox de l’élection truquée s’est propagée dans des groupes de discussions étrangers, notamment sur Telegram, en Suisse, en Belgique ou en Espagne. Aux États-Unis, la sénatrice pro-Trump de l’Arizona, Wendy Rogers, a tweeté le 25 avril, « Macron a volé l’élection ». Elle fait allusion au goût des Français pour la révolution et les encourage à continuer d’enquêter pour prouver cette prétendue fraude. 

Wendy Rogers s'est trompée de date en voulant faire référence à la révolution française de 1789.
Wendy Rogers s'est trompée de date en voulant faire référence à la révolution française de 1789. © Capture d'écran Twitter/ RFI

Le Conseil constitutionnel valide les résultats

Le Conseil constitutionnel, chargé de veiller à la régularité de l'élection, a constaté plusieurs irrégularités, rendues publiques ici. Elles concernent une trentaine de bureaux de vote en France. Ce ne sont toutefois pas des fraudes, mais des manquements dans l'organisation du vote, comme il y en a à chaque élection. Vingt mille suffrages ont ainsi été annulés par le Conseil constitutionnel qui a définitivement validé la victoire d’Emmanuel Macron mercredi 27 avril. 

Marine Le Pen n’a d’ailleurs jamais contesté les résultats. Mais cela n’empêche pas les complotistes de crier à la fraude, et d’essayer de semer le doute. Une initiative inspirée de ce qu’il s’est passé aux États-Unis après la défaite de Donald Trump.

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