Lampedusa: manipulation d'images sur fond de crise migratoire
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Après la vague de migrants qu’a connue la petite île italienne de Lampedusa au début du mois, un déferlement de contenus hostiles, à coup d'infox, circulent sur les réseaux sociaux. Une désinformation destinée tout à la fois à rejeter l’accueil des migrants subsahariens en Europe et aussi à décrédibiliser l’action des ONG qui leur viennent aide.

L’une des vidéos les plus symboliques de cette désinformation a été postée quelques heures après l’arrivée de près de 8 000 migrants sur l’île. La séquence dure quarante-cinq secondes, on y voit des jeunes femmes danser avec des migrants. Ce sont des bénévoles qui apparaissent à l’écran. Elles viennent en aide à des ressortissants subsahariens au rythme d’une sono. Cette vidéo en a fait sourire certains, avec des commentaires un brin moqueur mais il faut noter qu’elle a été visionnée plus de 3 millions de fois, rien que sur Twitter.
Cette vidéo est reprise essentiellement par des comptes proches de l’extrême droite européenne, au premier rang desquels le compte X, anciennement Twitter, de Paul Golding, le leader du parti d’extrême droite britannique : « Britain First ». Il commente la vidéo, et qualifie les ONG de « traîtres qui font la fête avec les envahisseurs » et appose, en légende, le hashtag #Lampedusa.
Récupération politique
À l’évidence pourtant, cette scène n’a pas été tournée à Lampedusa. On pouvait s’en douter, car on sait que la météo était très bonne en Méditerranée centrale, le jour de l’arrivée des migrants, (le 13 septembre 2023) et même dans les jours qui ont suivi. Sur les images, on constate pourtant que le ciel est bas, qu’il fait gris et que la végétation par ailleurs n’est absolument pas méditerranéenne. Cela ne correspondant pas avec ce qu’on pourrait trouver à Lampedusa.
On se trouve donc face à un cas de manipulation dans lequel les sympathisants de la sphère d’extrême droite ont surtout profité de l’évènement pour diffuser des messages haineux, de la propagande et un narratif correspondant à leurs objectifs politiques, tout en surfant sur l’émotion suscitée par l’arrivée en masse de ces migrants à Lampedusa.
D’où vient cette vidéo ?
Dès le lendemain de sa publication, Paul Golding, écrit finalement qu' « il s’avère que cette vidéo a été tournée en France probablement dans la région de Calais ». Effectivement, à y regarder de près, on s’aperçoit que les bénévoles portent des chasubles sur lesquels on peut lire « CALAIS 4 CARE ». Il s’agit d’une organisation caritative gérée par des bénévoles qui fournit une aide et un soutien essentiels aux réfugiés vivant au Royaume-Uni, dans le nord de la France et en Belgique mais pas à Lampedusa.
Sur leur site internet on peut lire « nous croyons en une société britannique juste et tolérante et plaidons pour une attitude accueillante et inclusive envers les réfugiés ». On imagine bien que ce n’est pas le genre de discours apprécié par Paul Golding et ses militants. Si on procède à une recherche inversée, on s’aperçoit que cette vidéo a déjà été publiée le 25 août 2023 par Britain First le parti d’extrême droite, qui brandissait le même d’argument pour dénigrer l’action des ONG.

Elle n'a donc aucun rapport avec les événements récents survenus à Lampedusa. Cette vidéo n'est pas la seule à avoir été sortie de son contexte pour alimenter le sentiment anti-migrants. Nos confrères des Observateurs de France 24 ont mené l'enquête sur une flopée d’intox autour de la situation migratoire à Lampedusa.
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