Série «Ralentir»: les congés spéciaux

Ce matin, focus sur des congés spéciaux que développent des entreprises : en résumé, elles laissent partir temporairement leurs salariés pour satisfaire des projets personnels, pour au final mieux les retenir, les fidéliser. C'est le cas de ce cabinet de conseil où s'est rendue Vanessa Descouraux, journaliste à France Inter. Pour les salariés qui ont au moins cinq ans d'ancienneté, l'entreprise permet un break de trois mois rémunérés à 50%.

Le quartier de La Défense, dans la banlieue ouest de Paris, où se trouvent les sièges sociaux de nombreuses grandes entreprises françaises et internationales. Flickr/ Christian Heindel

Le quartier des affaires de la Défense. Nous sommes dans l'ouest parisien, et plus précisément au pied de la tour Mazars. Nous nous arrêtons au sixième étage, celui de la DRH. L'étage où Morgane Escande travaille pour Mazars depuis six ans et demi. Le moment des questions sur son évolution professionnelle : « Est-ce que je suis à ma place aujourd'hui dans mon job ? Est-ce que je le fais bien ? Est-ce que je l'aime bien ? Est-ce que je ne l'aimerais pas mieux ailleurs ? », énumère Morgane. 

Au terme de cette pause de trois mois, Morgane n'a pas forcément trouvé toutes les réponses à ces questions, mais cette déconnexion professionnelle lui a permis de mieux définir ses attentes : « Prendre du temps pour soi, oui, c'est du repos, mais c'est aussi se questionner soi-même et avoir une sorte d'introspection qui est possible et on se recentre sur ses propres besoins ».

Morgane est partie seule pendant ses trois mois de voyages, son compagnon est resté à Paris : « Ce qui a été difficile, c'est pas tant le retour, c'est le fait de reprendre pied avec les sujets tout en gardant la distance et le recul que j'avais pris pendant ces quelques mois, parce qu'il peut y avoir un décalage en effet avec la Morgane avant qu'elle parte et la Morgane du retour. Il a aussi fallu, je pense, que les équipes et les proches redécouvrent une nouvelle personne ».

Une représentante de la DRH assiste aux entretiens comme celui de Julie, 36 ans : « Pour nous, dans notre modèle, avoir cinq ans d'ancienneté, ça commence à faire. Nos jeunes collaborateurs viennent en général passer deux, trois ans, quatre ans. Chez nous, c'est vraiment vu comme une école professionnelle et pour nous rester cinq ans, c'est important. On arrive à un niveau d'expérience, de maturité qui est vraiment cruciale dans notre organisation ». 

Pour cette première campagne de break, Mazars avait financé la possibilité de pause pour 80 salariés, un peu plus de vingt ont dit oui. Il reste pour beaucoup la peur d'être mal vu, ou encore celle d'alourdir encore plus la charge de travail des collègues, même si l'idée est de remplacer le partant. Pour la DRH, l'objectif est de retenir un peu plus les salariés dans un secteur hyper-concurrentiel. Un dispositif attractif qui donne une bonne image de l'employeur.

Ces congés relèvent du « pari pascalien », selon l'expression de l'économiste Fabien Blanchot. Dans le sens où ils peuvent rapporter gros, mais ne coutent pas grand-chose à l'entreprise, estime ce professeur à l'université Paris Dauphine : « Donner un congé, c'est un droit. Comme disait Marcel Mauss, le don appelle le contre-don. Le collaborateur, quand il revient de son congé, il se sent redevable. Il va peut-être encore plus appuyer sur la pédale, qu'avant qu'il ne parte. Autrement dit, il va fournir des efforts au service de l'organisation ».

L'économiste souligne aussi que des dispositifs équivalents existent depuis bien longtemps, dans un secteur perçu comme peu innovant : la fonction publique. À l'université, il lui est permis de prendre un congé rémunéré de six mois à un an pour une reconversion thématique en matière de recherche.

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