Menaces sur l’information

Au Soudan, des journalistes à l'épreuve du danger permanent

Publié le :

Depuis le début de la guerre au Soudan, les paramilitaires des FSR, qui dominaient de larges parties de la capitale Khartoum, ont visé les bâtiments de la presse. Ils ont occupé le bâtiment de la Radio-télévision et détruit plusieurs bureaux de quotidiens. Ils ont pourchassé les journalistes dont la majorité a fui le pays. Avec la prise d’el Facher le 26 octobre par les FSR qui ont commis des massacres à l’encontre de cette ville assiégée et affamée, plusieurs journalistes ont disparu et seraient détenus par ces paramilitaires. Mouamar Ibrahim, qui travaillait pour la chaine al Jazeera est apparu dans une vidéo le montrant aux mains des FSR alors qu'il tentait de quitter la ville. Un autre, Mohamad Suleiman Chuaib, est arrivé jeudi dernier au camp de Tawila près d'el Facher, blessé et dans un état très grave. Le destin de trois autres journalistes reste inconnu.

Les forces paramilitaires soudanaises, ici dans une vidéo filmée par leurs soins, leurs membres fêtent la prise définitive du village d'El Facher le 26 octobre.
Les forces paramilitaires soudanaises, ici dans une vidéo filmée par leurs soins, leurs membres fêtent la prise définitive du village d'El Facher le 26 octobre. AFP - -
Publicité

Les journalistes soudanais s'activent pour tenter de sauver la vie de leurs collègues restés dans el Facher assiégée et dont le destin est aujourd'hui inconnu. Naji al-Karachabi : « Nos confrères ont lancé sur les réseaux sociaux un Hashtag pour rechercher les journalistes disparus à el Facher, mais leurs recherches restent vaines. Je viens de lire un message du journaliste Abou Bakr Mukhtar, lui-même originaire du Darfour, il explique être contraint de visionner toutes les vidéos des atrocités commises par les milices des Forces de soutien rapide afin de tenter de retrouver ses collègues parmi les morts ou les blessés. À El Facher, chaque personne est une cible directe pour les FSR [Forces de soutien rapide, les paramilitaires qui s'opposent à l'armée régulière, NDLR], qui ne font aucune distinction entre citoyen ordinaire, journaliste ou malade, ni entre tribu, ou ethnie et ni entre religion ou affiliation politique. À leurs yeux, tous les Soudanais sont loyaux à l'armée. »

Le syndicat national multiplie l'effort de libération

Le bureau du Syndicat national des journalistes soudanais multiplie les efforts pour libérer les journalistes d'el Facher. « Le Syndicat des journalistes soudanais fournit de grands efforts pour libérer le journaliste Mouammar Ibrahim et ses quatre autres collègues disparus, a annoncé Taher el Moatassem, membre de ce bureau. Nous avons contacté les organisations internationales pour la liberté de la presse pour qu’elles rentrent en contact avec les FSR et les appeler à les libérer. À notre niveau, nous avons constitué une cellule d’urgence pour suivre les développements. »

À lire aussiSoudan: après les exactions à El-Fasher, les FSR arrêtent un seul de leurs membres

Les proches de Naji al Karachabi visés par les attaques ciblées des FSR

Naji al Karachabi travaille pour la télévision et a un programme quotidien sur le Soudan, mais il est basé à l'étranger. Ce sont ses proches qui ont été inquiétés par les FSR : ces paramilitaires ont brûlé plusieurs de leurs maisons dans les zones qu’elles dominent. 

Pourquoi les milices des Forces de soutien rapide ciblent-elles les journalistes de cette manière, alors qu'elles filment elles-mêmes des vidéos dans lesquelles elles tuent des gens et violent le droit humanitaire et international ? Cherchent-elles à transmettre des messages spécifiques aux journalistes, et s'opposent-elles à ce qu'ils relatent des faits les accablant ? 

Aucune explication n'est disponible, étant donné qu'elles diffusent elles-mêmes les images de leurs exactions contre les civils dans de nombreuses régions du Soudan.

« La première victime de la guerre est la vérité »

Taher el-Moatassem, a lui, sa petite idée sur la question : « Il est certain que la première victime de la guerre est la vérité. Ceux qui pratiquent le journalisme sont des chercheurs de vérités, c’est pour cela qu’ils sont dans les premiers sacrifiés parmi les civils. Parce que la vérité est la première cible visée. Chaque partie de la lutte essaie d’avancer son récit du conflit, alors qu’un journaliste professionnel va effectuer son travail. Il montre la vérité. C’est pour cela que les journalistes sont visés au Soudan où ailleurs dans le monde, là où il y a des conflits. »

Depuis le début de la guerre au Soudan, 32 journalistes ont été tués et nombreux sont ceux qui ont subi des exactions qui ont touché également leurs proches.

À lire aussiSoudan: les exactions sur les civils «se multiplient» après la prise d'El-Fasher par les FSR

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes