Les Français doivent-ils manger moins de viande?

La question est polémique à l’approche du Salon de l’agriculture à Paris. Pourtant, si la France veut efficacement lutter contre le changement climatique, il convient de la mettre au menu.

Si les Français réduisaient de moitié leur consommation de viande, cela permettrait d’atteindre les objectifs climatiques que s’est fixé le pays en ce qui concerne l’agriculture. Getty Images via AFP - DAN KITWOOD

Si les Français réduisaient de moitié leur consommation de viande, cela permettrait d’atteindre les objectifs climatiques que s’est fixé le pays en ce qui concerne l’agriculture. C'est le calcul qu'ont fait la Société française de nutrition (SFN) et le réseau d’ONG écologistes Réseau Action Climat (RAC). La France s'est en effet engagée à atteindre la neutralité carbone et à réduire les émissions de gaz à effet de serre de son secteur agricole de 46% d’ici 2050.

Concrètement, pour la population, cela voudrait dire manger au maximum 450 grammes de viande (toute viande confondue, y compris la charcuterie) par semaine. Les auteurs invitent les autorités à adopter cette recommandation dans leurs guides alimentaires qui, jusqu'à maintenant, préconisent de ne pas dépasser les 500 grammes de viande rouge et les 150 grammes de charcuterie.

Pourquoi manger beaucoup de viande est mauvais pour le climat ? À l’échelle mondiale, l’alimentation pèse pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Et au sein de l’alimentation, la viande est le premier contributeur en raison des rejets de méthane dans les rots des vaches, chèvres et moutons, mais aussi à cause des terres déforestées pour l'élevage et pour faire pousser l'alimentation destinée au bétail.

Si les Français mangeaient moitié moins de viande chaque semaine, à quoi ressemblerait leur régime ? L'experte en nutrition et santé publique et membre de la Société Française de Nutrition, Nicole Darmon, qui a participé à l’étude, détaille : « De la viande trois à quatre fois par semaine en incluant la charcuterie ; des œufs deux, trois fois par semaine ; du poisson deux fois par semaine dont un poisson gras ; cinq fruits et légumes par jour comme c'est aujourd'hui recommandé ; deux petites poignées de fruits à coque par jour ; pour les produits céréaliers s'orienter vraiment vers les produits complets ou semi-complets ; deux à trois portions de produits laitiers par jour ; et une petite portion quotidienne de légumineuses, c'est-à-dire de légumes secs cuits comme les pois chiches, les lentilles, les flageolets. » C'est assez loin d'un régime végétarien. En France, la consommation de légumineuses est deux fois moins élevée que la moyenne européenne et quatre fois moins que la moyenne mondiale, indique l'étude du RAC et de la SFN.

85 kilos de viande par an et par Français

À l’heure actuelle, un Français mange près de 85 kg de viande chaque année. C’est deux fois la moyenne mondiale. Certes, c'est dans la moyenne européenne et loin des plus de 100 kg engloutis chaque année par les Nord-Américains. Mais 85 kg, c’est bien plus que la consommation moyenne d'un Chinois et c'est énorme par rapport aux 17 kg par an et par personne sur le continent africain par exemple. Pour beaucoup dans le monde, la viande reste un produit de luxe.

Manger moins de viande est-il dangereux pour la santé ? Non, au contraire, clarifie la nutritionniste Nicole Darmon : « Si on divise la viande par deux et qu'on fait une bonne végétalisation de son alimentation hebdomadaire, au contraire on va vers du mieux parce qu'on a une alimentation qui est plus riche en fibres, qui est moins riche en acides gras saturés, en sel, en sucre... et tout ça, on sait que ça va permettre une meilleure prévention des maladies non transmissibles liées à l'alimentation. »

D'autre part, ce régime avec moitié moins de viande coûterait 10% de moins aux Français, car la viande reste l'un des produits les plus chers. Quant aux effets potentiellement néfastes sur l'élevage français, argument souvent soulevé par les défenseurs de la viande, les auteurs de l'étude indiquent qu’une réduction de la consommation de viande ne remettrait pas en cause la production française, car plus de 30% de la viande consommée en France aujourd’hui est importée – et plus de 50% en ce qui concerne le poulet.