Questions d'environnement

L'UE recule sur l'environnement pour tenter d'apaiser les agriculteurs

Publié le :

Les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne étaient réunis ce lundi 26 février à Bruxelles. Ils ont examiné plusieurs mesures destinées à apaiser la colère des agriculteurs qui manifestent depuis plusieurs semaines. Notamment les normes vertes de la Politique agricole commune, jugées trop strictes. Au grand dam des défenseurs de l’environnement.

Les ministres de l'Agriculture rencontrent les représentants européens des jeunes agriculteurs au siège du Conseil de l'UE à Bruxelles. Belgique, le 26 février 2024.
Les ministres de l'Agriculture rencontrent les représentants européens des jeunes agriculteurs au siège du Conseil de l'UE à Bruxelles. Belgique, le 26 février 2024. via REUTERS - POOL
Publicité

Dans le viseur des États : réviser certaines dispositions de la PAC, la Politique agricole commune, qui représente aujourd’hui le plus gros poste de dépense de l'Union européenne. En 2022, plus de 58 milliards d'euros d'aides ont été versées aux agriculteurs, c’est le tiers du budget européen.

À lire aussiLes ministres de l'Agriculture européens approuvent les propositions de simplification de la PAC

Pour recevoir ces aides, les agriculteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux. Ce sont ces critères que les dirigeants de l'UE proposent d'assouplir. Mais revenir sur ces mesures n’est pas sans effet sur la nature.

Ainsi, les fermiers doivent normalement laisser 4% de leurs terres arables en jachère, c'est-à-dire ne pas utiliser ces terres, pour leur permettre de reconstituer leurs réserves en eau, leur capacité de production, leur biodiversité... Mais pour de nombreux agriculteurs, ces surfaces inexploitées représentent des récoltes et des revenus en moins.

Les écologistes inquiets

C’est le cas aussi pour l'obligation de maintenir les prairies. Ces véritables puits de carbone sont capables d'absorber une partie du CO2 de l'atmosphère et de le stocker dans le sol. Or, les agriculteurs souhaitent de plus en plus les exploiter, les transformer en champs. Les cultures se montrent en effet plus rentables que l'élevage. Problème : les prairies relâchent le CO2 quand elles sont labourées.

Dans certaines conditions, l’UE interdit aussi les sols nus, plus sensibles à l'érosion, lessivés par la pluie et plus vite desséchés par temps chaud. Or, les garder couverts signifie plus de travail pour les agriculteurs.

En plus de revenir sur ces mesures, les 27 souhaitent aussi limiter les contrôles, ce qui revient à laisser passer les mauvaises, selon les écologistes qui s’inquiètent de ces annonces.

En effet, ces contraintes ont pour objectif de lutter contre le changement climatique qui touche au premier rang les agriculteurs. Elles permettent aussi de protéger la biodiversité, essentielle à de bonnes cultures et de bons rendements.

Les défenseurs de l'environnement voient dans ces décisions une fuite en avant qui ne règle rien et qui met à mal les capacités de production futures.

Alors, est-ce qu'il y a des solutions qui permettraient d'allier protection de la planète et des agriculteurs ?

Réformer la PAC

Pour Pierre-Marie Aubert, directeur du programme agriculture et alimentation à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), les contraintes imposées par Bruxelles aux agriculteurs pour pouvoir bénéficier des aides de la PAC « sont vues comme une logique de "bâton". Un montant est versé à l’agriculteur et s’il ne respecte pas les règles environnementales, on lui tape sur les doigts et on lui retire une partie de l’argent ». Il s’agit donc pour le chercheur de changer de manière d’aborder les choses. « Il y a eu toute une discussion pour essayer de passer à une logique de carotte en rémunérant plutôt les performances environnementales, ce serait positif et incitatif », et afin que les agriculteurs puissent opérer les transformations vers ces pratiques durables, il serait également nécessaire de les aider. Une réforme de la PAC est en tout cas souhaitable, selon lui.

Enfin, il ne faudrait pas que la protection de l'environnement soit sans cesse la variable d'ajustement des politiques des 27 pays de l'Union européenne, estime Pierre-Marie Aubert. « Face à la fronde du monde agricole, la tentation est grande pour les États membres de se dire : "On réduit les contraintes et, ainsi, on doit pouvoir régler la colère du monde agricole". Ça a un coût politique relativement faible, et c’est quand même ça la question que se posent les élus. Mais d’un point de vue agro-environnemental, c'est extrêmement problématique. »

À lire aussiAgriculture : les négociations sur la réforme de la PAC achoppent à Bruxelles

Sans compter que ces révisions de la PAC ne suffiront sans doute pas pour les calmer les agriculteurs qui demandent aussi une protection face à la concurrence étrangère et une meilleure rémunération.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
  • 03:42
  • 03:17
  • 03:50
  • 03:31
  • 03:43