Questions d'environnement

Comment l’Union européenne tente d'imposer ses ambitions environnementales aux pays tiers ?

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Les eurodéputés ont validé hier un accord trouvé en novembre sur les réductions des émissions de méthane du secteur énergétique. Le texte durcit les règles sur le rejet au niveau des puits d’hydrocarbures et des mines de charbon. Il ne concerne pas seulement la production européenne. Le point sur ce que prévoit cette toute première législation de l’UE sur le méthane.

Le méthane a un pouvoir de réchauffement 80 fois plus important que le CO2 (image d'illustration).
Le méthane a un pouvoir de réchauffement 80 fois plus important que le CO2 (image d'illustration). © AP/Matthew Brown
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Etape n°1 : mieux repérer les fuites de méthane. Le texte, qui doit recevoir un dernier coup de tampon du Conseil européen, contraindra les exploitants de champs pétroliers, gaziers et de mines de charbon à inspecter régulièrement leurs équipements pour calculer leurs émissions de ce gaz au pouvoir très réchauffant. Son effet de serre est environ 80 fois supérieur au CO2 sur 20 ans et l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de 30% entre 2020 et 2030.

Etape n°2 : réparer les fuites dans un délai maximum de cinq jours.

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Par ailleurs, à quelques exceptions près, il sera interdit de torcher du gaz, c’est-à-dire de le brûler à la sortie des puits pour des raisons pratiques ou économiques. Interdiction effective à partir de 2027 sur les plateformes d’hydrocarbures et d’ici 2031 pour les mines de charbon.Les opérations de ventilation pour laisser le méthane s’envoler seront aussi limitées. Enfin, des plans devront être mis en place pour atténuer les émissions des sites inactifs.

Émissions fugitives

Ce texte ne vise donc pas la consommation mais les émissions fugitives et plus largement celles qui ne sont pas liées à l'utilisation finale des combustibles. Le hic, c’est que l’Union européenne importe environ80% des hydrocarbures qu’elle consomme. Une application sur le seul territoire européen limiterait l'impact de cette régulation.

Un standard à définir

À partir de 2027, Bruxelles imposera donc aux importateurs d’appliquer les mêmes règles en matière « de surveillance et de déclaration au niveau de la production ». Ensuite, doit être créé « un standard que la Commission européenne doit encore définir », explique Kim O’Dowd, de l’ONG britannique Environmental Investigation Agency. Les importateurs seront « obligés de s’y soumettre. Cela peut être un standard d’intensité. On entend souvent parler du chiffre de 0,2 % d’émission de méthane sur la chaîne de production. Mais cela pourrait aussi porter sur des obligations de mesure des émissions. Ce n’est pas encore très clair. Le problème avec ce standard, c’est qu’il ne sera appliqué qu’autour de 2030. C’est très tard étant donné l’urgence climatique », regrette Kim O’Dowd qui réclame des mesures plus concrètes.

Par ailleurs,« le niveau de pénalité ne sera sans doute pas en mesure de chambouler la profitabilité du mètre cube de gaz vendu en Europe, » estime Anna Creti, directrice de la chaire d'économie du climat à l’Université Paris-Dauphine et spécialiste du gaz, qui salue cependant « la pression grandissante » exercée pour atténuer les émissions. À travers cette loi, l'Union européenne essaie d'imposer son ambition hors de ses frontières car « l’Europe en tant que telle ne pèse pas très lourd. Les vrais leviers de la demande restent les États-Unis et la Chine. Donc l’idée, c’est de se dire que même si ce n’est pas la réduction que l’on peut faire en Europe qui va faire basculer les volumes des émissions de gaz à effet de serre, via ce type de mécanisme, on exerce la pression sur les importations. »

Limiter les émissions importées

Cette logique n'est pas nouvelle pour Bruxelles. Les 27 ont, par exemple, légiféré sur la « déforestation importée ». En la matière, l’une des règlementations emblématiques, c’est le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Les cargaisons d'aluminium, de ciment, etc, se verront imposer un surcoût à l'entrée sur le territoire en fonction de leur empreinte carbone.

Le dispositif est pensé pour éviter les potentielles délocalisations d'entreprises en quête de législation moins stricte et pour les protéger d'une concurrence soumise à ces réglementations moins exigeantes. Le mécanisme est aussi censé encourager les producteurs étrangers à réduire leurs émissions pour ne plus payer cette « taxe ». Avec cette « taxe aux frontières, un poids non négligeable est porté par les pays du sud global. C’est une question qu’il va falloir gérer », anticipe Anna Creti. En ce qui concerne la réglementation sur le méthane, « cela aura un impact sur les grands pays exportateurs d’hydrocarbure », estime l’économiste qui reste réservée sur son ordre de grandeur.

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