Questions d'environnement

La politique climatosceptique de Trump met en danger la sécurité nationale américaine

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Aux États-Unis d'anciens haut-gradés de l'armée et d’anciens membres des services de renseignement alertent sur les conséquences de la politique climatosceptique de Donald Trump sur la sécurité nationale.

Donald Trump tient une lettre à l'ONU indiquant le retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris, le 20 janvier 2025.
Donald Trump tient une lettre à l'ONU indiquant le retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris, le 20 janvier 2025. © AFP - JIM WATSON
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Fin juillet 2025, le ministère de l'Énergie a publié un rapport intitulé « Examen critique des impacts des émissions de gaz à effet de serre sur le climat américain ». Depuis sa publication, les scientifiques s'insurgent contre les erreurs, falsifications et omissions que contient ce document. Ce texte de 150 pages vise à semer le doute sur la réalité du changement climatique et son origine humaine, selon les chercheurs.

C'est maintenant au tour des experts en sécurité de s'exprimer sur le rapport. Et leur réponse publique à l'administration Trump est particulièrement sévère. « Le rapport du ministère de l’Énergie présente le changement climatique comme incertain et cette incertitude comme une raison de ne pas agir ! », fustige Erin Sikorsy qui dirige le Center for Climate and Security à Washington. Pour cet ancien membre du Conseil national de renseignement, le gros problème est là : « dans le domaine de la sécurité nationale, plus l’insécurité est grande et plus nous devrions nous préparer ».  

L’évaluation des risques est un aspect essentiel pour garantir la sécurité nationale américaine, souligne aussi l’amiral Paul Zukunft qui a commandé les gardes côtes américains entre 2014 et 2018. La qualité de l’évaluation des risques liés au changement climatique dépend de la qualité des informations et des données scientifiques disponibles. Mais l’accès a ces informations et données est désormais obstrué pour des raisons idéologiques, s’inquiète Paul Zukunft qui fut aussi membre de l’état-major interarmées des Etats-Unis. « Les deux mots qui suscitent ce que j'appelle un véritable ‘rejet organique’ au sein de l'administration Trump sont ‘changement climatique’. C'est comme une autruche qui cache sa tête dans le sable : ‘Ne me dites pas ce qui se passe dans le monde autour de moi ! Je ne veux pas l'entendre !’ Mais cette attitude ne change rien à la réalité sur le terrain ».

Opérations et infrastructures militaires affectées par le changement climatique

En 2019 déjà, le Département de la défense faisait état de dizaines de bases militaires sur le sol américain confrontées aux impacts liés au changement climatique, « qu'il s'agisse d'ouragans sur la côte du Golfe du Mexique, de précipitations diluviennes dans le centre du pays ou d'incendies de forêt en Californie », énumère Erin Sikorsky. « Ces phénomènes météorologiques extrêmes perturbent les opérations militaires en interrompant les entraînements et les missions des forces armées, mais affectent aussi les infrastructures de l’armée. Ils perturbent leur alimentation électrique, rendent certaines parties des installations inaccessibles et causent des dommages qui entraînent le déplacement de certaines missions ».

« C'est à Hampton Roads, en Virginie, que l'impact du changement climatique sur nos infrastructures militaires est le plus important », raconte aussi l’amiral Paul Zukunft. « Là-bas, la plus grande base navale américaine subit un affaissement du sol et l'élévation du niveau de la mer. Que fera l’administration pour consolider la base avant qu'elle ne soit littéralement submergée ? Ce problème ne concerne pas seulement cette base navale, mais une grande partie de nos infrastructures côtières, qu'il s'agisse d'aéroports ou d'installations de traitement des eaux ».

Sans adaptation au changement climatique, l’armée américaine affaiblie sur la scène internationale

Les experts en sécurité nationale sont formels : sans évaluation scientifique des risques causés par les effets du changement climatique, une adaptation adéquate des forces armées américaines est impossible. Ce manque de réactivité affaiblit déjà les capacités américaines sur la scène internationale, prévient l’ancien commandant des garde-côtes américains. « Regardez ce qui se passe avec la fonte des glaces en Arctique », soupir Paul Zukunft. « C'est un océan qui s'ouvre devant nos yeux, alors que les États-Unis n'ont pas les moyens nécessaires pour surveiller ces hautes latitudes. Sur l'ensemble de notre flotte nous ne disposons que de deux brise-glaces performants ! La Russie en possède plus de vingt, dont certains à propulsion nucléaire. La Russie a même militarisé certains de ses îlots dans cette région ».

Pour ces anciens haut-gradés de la sécurité nationale américaine, le changement climatique constitue un « multiplicateur de menaces ». Ne pas les prendre en considération pour des raisons idéologiques compromettra l’état de préparation des forces armées et des services de renseignement. « Nous allons agir à l’aveuglette », s’inquiète Erin Sikorsky du Center for Climate and Security à Washington. « Alors que nos adversaires, et notamment la Chine qui est très lucide sur la menace climatique, auront de meilleures informations et seront donc mieux préparés ».

Dans ce contexte, ce qui est mis en danger pas la politique climatosceptique de l'administration Trump, n'est rien de moins que la capacité de l'armée et des services de renseignement à remplir leur mission : protéger la sécurité des Américains et des intérêts vitaux des États-Unis. 

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