Questions d'environnement

Pourquoi ne mangeons-nous pas tous des insectes?

Publié le :

Deux milliards de personnes dans le monde consomment des insectes pour se nourrir. Mais en Occident, l'élevage de vers ou de sauterelles se heurte aux habitudes culturelles et à un impact écologique finalement plus élevé. 

Élevage d’insectes chez Ynsect.
Élevage d’insectes chez Ynsect. © Olivier Rogez / RFI
Publicité

Et s’ils étaient l’avenir de nos assiettes ? Selon la FAO, l’agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, dans un rapport publié en 2013, les insectes représentent l’une des solutions à la faim dans le monde, une solution de surcroit écologique : puisque manger de la viande a un coût énorme en termes d’émissions de gaz à effet de serre, et puisqu’on a besoin de protéines, mangeons des insectes. Une proposition qui a pu surprendre en Occident, alors que deux milliards de personnes dans le monde mangent des insectes, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud pour l'essentiel.

« Il y a des raisons culturelles majeures, estime Corentin Biteau, qui préside, en France, l’Observatoire national d’élevage d’insectes. Souvent, ce sont des insectes qui sont récoltés dans la nature directement, comme moyen de subsistance, pour répondre à un besoin de calories. Beaucoup de ces peuples mangent d’ailleurs de moins en moins d’insectes. »

Autant de protéines que dans un steak

Environ 2 000 espèces d’insectes sont consommées dans le monde – des fourmis, des chenilles, des sauterelles ou encore des abeilles. Il y a à peu près autant de protéines dans 100 grammes de criquets que dans 100 grammes de bœuf ou de poulet, et c’est moins gras.

Sur le papier, les insectes n’ont que des avantages, mais en Occident, même si on peut ingérer des insectes sans le savoir (comme ce papillon passager clandestin du paquet de riz acheté au supermarché), et à part si on est candidat au jeu télévisé de survie Koh-Lanta, l’entomophagie reste ultra-marginale, voire taboue. « La raison principale, c’est le dégoût, le manque de familiarité avec les insectes. Cela prend énormément de temps avant de s’habituer à un nouveau type de nourriture. D’ailleurs, la plupart des entreprises du secteur de l’élevage d’insectes ont quitté le marché de l’alimentation humaine », souligne Corentin Biteau.

En France, 5 % des insectes d’élevage sont consommés par les humains, essentiellement sous forme de snacks salés, de chips.

Les 95 % restants servent à l’alimentation animale, pour les animaux d’élevage et les animaux domestiques. Feraient-ils moins la fine bouche ? On ne leur demande pas leur avis. Nourrir des bœufs avec des insectes semble une solution idéale ; on arrêterait de donner du soja au bétail, alors que le soja est responsable de la déforestation.

Quant à Minou, pourquoi ne mangerait-il pas des croquettes aux vers plutôt qu’au poulet ? Mais c’est un marché de niche, et ces croquettes aux insectes sont beaucoup plus chères et surtout beaucoup moins écologiques que les croquettes normales fabriquées avec les résidus - les déchets de viande récupérés dans les abattoirs. Les croquettes aux insectes ont ainsi un bilan carbone plus élevé et émettent jusqu'à dix fois plus de gaz à effet de serre que les croquettes classiques.

À lire aussiFrance: les producteurs de farines d'insectes ont du plomb dans l'aile

Le CO2 des insectes

Dès lors qu’il s’agit d’élever des insectes pour les manger, le bilan environnemental de l’entomophagie n’est pas terrible. « Les insectes ont besoin d'une température de plus de 25 ºC, ce qui coûte évidemment beaucoup d’énergie. Pour produire l’alimentation des insectes, l’impact environnemental est plus élevé. Si on utilise des céréales qu’on fait pousser et qu’on donne à des insectes qui serviront à nourrir des animaux d’élevage, il y a énormément de pertes. La plupart des études indiquent ainsi que les insectes émettent plus de gaz à effet de serre que le soja ou la farine de poisson », résume Corentin Biteau.

Pas très écologique, l’élevage d’insectes pour l’alimentation n’est pas non plus très rentable d’un point de vue économique. Malgré de grandes ambitions et un certain nombre de subventions publiques, l’élevage d’insectes n’a pas décollé. Pire, plusieurs entreprises rencontrent des difficultés, à l’image de Yinscet, une société contrainte de licencier 90 % de son personnel. Sauf à ne plus vraiment avoir le choix, les insectes ne sont pas près d’arriver dans toutes les assiettes.

À lire aussiL'Afrique et la France partagent leurs savoir-faire sur les fermes d'insectes

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
  • 03:39
  • 03:22
  • 03:42
  • 03:17
  • 03:50