Reportage Afrique

Darfour: malgré la paix signée, le problème des terres occupées persiste à Jabra

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Au Darfour, alors qu’une paix a été signée en octobre entre le pouvoir central et plusieurs groupes armés, la pacification de la province s’annonce épineuse. En effet, des centaines de milliers de personnes vivent dans des camps de déplacés et n’ont plus accès à leurs terres qui sont occupées par d’autres populations.

Au Darfour, les violences sont régulières entre tribus arabes et non arabes en conflit pour la terre et les ressources naturelles de la région.
Au Darfour, les violences sont régulières entre tribus arabes et non arabes en conflit pour la terre et les ressources naturelles de la région. © Abdulmonam Eassa/RFI
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De notre envoyé spécial à Jabra,

La zone de Jabra est un ensemble de villages où la tribu arabe Saada est installée. Les gens y vivent principalement d’agriculture, en cultivant le sésame, les haricots ou encore le maïs.

Abdallah Abdourahman a 48 ans. Il vante la bonne entente avec les tribus voisines :

« Dans le temps, il y avait des conflits. Mais maintenant la région est sécurisée. Les tribus se réunissent pour régler leurs différends en utilisant la sagesse religieuse. Aujourd’hui, il n’y a aucun problème avec les ethnies non arabes. Je vais manger chez les Four et eux viennent chez moi. Nous sommes voisins, il n’y a pas de tension entre nous », dit Abdallah Abdourahman.

L’imam de Jabra va plus loin. Abdallah Hussein affirme que la zone constitue le berceau des Saada et que ces terres leur appartiennent depuis des générations. « Les Saada étaient ici même avant la colonisation anglaise. Nous sommes installés depuis plus de 107 ans. Notre tribu est née et a grandi dans cette région. »

Les Saada accusés d’être des envahisseurs par les Four

Une version contestée. Les tribus arabes fuyant la sécheresse seraient arrivées au Darfour dans les années 1970. La dictature d’Omar el-Béchir les aurait utilisées comme bras armé pour arabiser le Darfour, entraînant des accusations de génocide et crimes de guerre.

Témoin de la conversation, Khaled Abdelmalik Hashim est révolté par ce qu’il vient d’entendre. D’ethnie Four, il est originaire d’une localité toute proche. Il accuse les Saada d’être des envahisseurs.

« Ils mentent. Ils ont changé la réalité. C’est pour ça que je me suis éloigné de vous. Ils mentent parce qu’ils veulent rester ici. Parce que ce village appartient à quelqu’un d’autre. Les Saada sont venus après les violences de 2003. Les Four vivaient ici avant, mais ils ont été chassés durant la guerre. Ils ont fui jusqu’au camp de Mershing », dit-il.

Une profonde amertume

Soudain, un groupe de personnes traverse le chemin avec des carrioles tirées par des ânes. Ce sont justement des déplacés du camp de Mershing. D’ethnie Four, ils affirment être originaires de Jabra. Mais les Arabes Saada les ont surpris en train de ramasser du bois et viennent tout juste de les chasser. Elias Harun ne cache pas sa profonde amertume.

« Je possède une terre juste en face d’ici. Mais maintenant il y a des colons qui ne nous laissent pas revenir. On avait des plantations et là-bas il y a un de nos puits. Nos morts sont dans le cimetière. Mon père a été tué et enterré ici. Voir ça aujourd’hui ça m’enlève toute joie de vivre », lâche-t-il.

Ces déplacés affirment que la chute de la dictature et la paix signée en octobre n’ont rien changé à leur situation. Pour eux, seul un accord global prévoyant et détaillant leur retour sur leurs terres pourrait régler les violences au Darfour.

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