Reportage Afrique

Dans le nord du Nigeria, les athées se cachent

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Le Nigeria a beau être un pays laïc dans sa Constitution, dans les faits, il est extrêmement mal vu de ne pas pratiquer sa religion et il peut même être dangereux de déclarer son athéisme. Dans certaines régions du nord du pays, à majorité musulmane, le crime d'apostasie – le fait de déclarer publiquement avoir renoncé à l'islam – tombe sous le coup de la charia, la loi islamique. Dans la ville de Kano, des athées qui se cachent ont accepté de témoigner anonymement.

Lors d'une prière à la mosquée de Kano dans le nord du Nigéria. (Image d'illustration)
Lors d'une prière à la mosquée de Kano dans le nord du Nigéria. (Image d'illustration) Universal Images Group via Getty - Eye Ubiquitous
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Derrière le voile bleu qui couvre ses cheveux, Fatima cache un lourd secret. Cette fonctionnaire de 29 ans a perdu la foi. Mais impossible d'en parler au sein de sa famille très conservatrice. « En grandissant, j'ai toujours eu des doutes, raconte-t-elle. C'est très troublant, quand tu es née dans une famille musulmane, que tu es allée à l'école islamique, quand tout ce qu'on t'a appris c'est l'islam. Mais grâce à internet, j'ai découvert qu'il y avait d'autres personnes athées, comme moi, ici, à Kano. » 

Sur internet, Fatima a rencontré une communauté qui lui ressemble : des « humanistes » athées, qui discutent en ligne et se rencontrent parfois en secret. Car la police religieuse veille. Ibrahim a été arrêté pour avoir fait part de ses opinions sur Facebook. C'est la famille de sa femme qui l'a dénoncé. « Ils m'ont dit que je devais divorcer, car dans l'islam, si tu n'es pas musulman, tu n'es pas censé épouser une musulmane. Ils m'ont emmené devant un tribunal islamique qui a rompu mon mariage et je n'ai jamais revu ma femme. »

Amnesty International dénonce une répression qui va à l'encontre de la liberté d'expression et de la liberté religieuse. « Depuis un certain temps, il y a des tentatives du gouvernement pour contrôler les réseaux sociaux et Amnesty International s'est toujours battu pour tenter d'empêcher ça », indique Osai Ojigho, la directrice de l'ONG au Nigeria.

Renier sa foi en public peut conduire jusqu'en prison. En avril 2020, Mubarak Bala – un militant humaniste très connu – est arrêté à Kaduna et emmené à Kano où il est détenu sans avoir été jugé ni même inculpé. Depuis, sa femme Amina élève seule leur petit garçon. « Pendant des mois, je ne savais même pas s’il était vivant, raconte Amina. Quel que soit son crime, ils devraient au moins l'emmener devant un tribunal. Il y a des lois au Nigeria. Même la charia dit que tu peux te défendre avant d'être condamné ! »

Fin 2020, une cour d'Abuja a ordonné la libération de Mubarak Bala, sans que cette décision soit appliquée à Kano. Une audience a finalement été fixée pour la mi-octobre dans la grande ville du Nord, lors de laquelle Mubarak Bala pourrait enfin comparaître.

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