Darfour: à Kreinik, un calme précaire après le massacre [2/3]
Publié le :
À l’aube du dimanche 24 avril, en plein mois de ramadan, des nuées de motos, de pick-up, d’hommes à cheval ou à dromadaire ont assailli la petite ville de Kreinik, non loin de la frontière tchadienne. Un millier de miliciens a massacré plus de 179 personnes dont 22 enfants et 12 femmes. N’épargnant ni la mosquée, ni les écoles, le commissariat ou l’hôpital. Deux mois après, les habitants vivent toujours dans la peur.

De notre envoyé spécial à El-Geneina,
Alors que les balles sifflaient dans le village, Salwa Hassan s’est réfugié dans une salle de classe, avec d’autres femmes et enfants. « On était assis à l’intérieur, ils ont tiré par la fenêtre », se remémore-t-elle. « Ma sœur s’est pris une balle dans le dos, elle est morte sur le coup. Son corps m’est tombé dessus. On est restés cachés sous les cadavres de 8h à 14h. Ma sœur a laissé derrière elle 3 enfants, un de 8 mois, l’autre de 2 ans, et un dernier de 5 ans. Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces orphelins ? On s’en remet à Dieu. Ils ont tué tout le monde », dit Salwa Hassan, emportée par l'émotion.
D’après de nombreux témoins, les Forces de soutien rapide, unités paramilitaires du général Hemetti, ont été impliquées dans ces attaques. La veille et le jour de l’assaut, un avion de l’armée soudanaise patrouillait dans le ciel. Le village était alors encerclé, au nord, au sud et à l’ouest par des campements de miliciens venus de toute la région.
► À lire aussi : Darfour: tensions à El-Geneina, devenue un immense camp de déplacés
Un calme trompeur
À l’orée du village, Hatim Ali Othman, un professeur de chimie se tient devant une fosse commune. « Les autorités savaient parfaitement que Kreinik allait être attaquée », affirme-t-il. « Contrairement à ce qui est dit, ce n’est pas un problème tribal dès lors que des forces officielles sont impliquées dans le meurtre de citoyens. Ils ont été assassinés pour leur terre. On les dépossède de leurs parcelles et les déplace par la force pour que des colons puissent mettre la main sur cette région. Ce n’est pas nouveau, on vit ça depuis 2003 », ajoute-t-il.
Deux mois après le massacre, un calme trompeur règne dans le village. Salim Abdallah, un paysan, jette un regard craintif à l’horizon. « Personne ne sort de la ville. Si on s’éloigne de 200 mètres, on peut se faire tirer dessus », prévient Salim Abdallah. « Avant-hier, du bétail a été volé ici. Il y a trois jours, des gens sont partis chercher du fourrage, ils ont été menacés. Les milices sont toujours là. Un homme est mort sur cette colline. Nous sommes encerclés ! Ce soir on s’endort et on ne sait pas si on se réveillera vivants. »
Les habitants ne peuvent sortir de Kreinik que sous escorte armée. Deux fois par semaine, des convois prennent la direction d’El-Geneina, la capitale du Darfour occidental. Dans la région, l’insécurité est permanente. En une année, près de 500 000 personnes ont été forcées d’abandonner leurs terres.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne