Élections au Kenya: à Lamu, l’enjeu de l’accès à la propriété [3/5]
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Le 9 août prochain, les Kényans sont appelés aux urnes pour élire leur nouveau président. Comment abordent-ils cette échéance ? Quel bilan tirent-ils des deux mandats d’Uhuru Kenyatta et qu’attendent-ils de son successeur ? Direction le comté de Lamu : comme à chaque élection, la question de l’accès à la terre est l’un des enjeux de l’élection dans cette région côtière. Récemment, des milliers de Kényans y ont reçu un titre de propriété. C’était une promesse du président sortant. Mais il y a des laissés pour compte.

Lidya Wangare Thuo nous reçoit dans son atelier de couture dans l’allée centrale de la ville de Mpeketoni. Tout sourire, elle nous montre le titre de propriété qu’elle vient tout juste de recevoir après dix ans de démarches pour l’obtenir. « Grâce à ce titre de propriété, je me sens une autre personne. Car maintenant cette terre est vraiment à moi. Je peux décider d'y construire et de lancer un projet qui pourrait me rapporter de l'argent. Et changer ma vie. Et puis c'est aussi un héritage que je pourrai transmettre à mes enfants », nous confie-t-elle.
Lydia n’est pas dupe du calendrier. Promis depuis 2013, ces titres ont été délivrés à quelques semaines à peine de la présidentielle, assortis d’une cérémonie en grande pompe. Pour autant, elle admet sans mal que cela influencera son vote : « Bien sûr, c’est normal quand un dirigeant fait quelque chose de bien pour toi, tu dois faire de même en retour. »
Mais il y a des laissés pour compte. Lucie Wa Moyo Ndegwa possède une échoppe, accolée à son petit une pièce. Le toit prend l’eau, les murs s’effritent. Mais sans titre de propriété, elle se sent coincée : « Je me sens comme une étrangère ici. Je ne peux pas faire de travaux pour aménager mon logement, car sans titre de propriété, je ne peux pas souscrire à un prêt. Et puis avec les élections, on ne sait jamais qui sera élu, donc j'ai toujours peur qu'ils décident de nous chasser, tant que je n'aurai pas de document. »
Kenneth Mwaita coordonne la Commission nationale pour la terre dans le comté. Il répond aux critiques par un appel à la patience : « Nous n'avons pas fini la délivrance des titres de propriété. C'est un processus et nous y travaillons au quotidien. Ce processus se poursuit, il ne s’arrête pas avec les titres qui viennent d’être délivrés. »
Un processus d’autant plus important que, ces dernières années, la pression sur la terre s’est accrue dans le comté de Lamu, suite à la construction du nouveau port en eau profonde. Au passage, de nombreux habitants déplorent avoir été spoliés, comme le raconte Khuzema : « C'est moi qui vis dans cette parcelle. Ils ont attribué un titre à quelqu'un d'autre et je ne peux même pas aller au tribunal, car ces gens ont de l'argent. Avant qu'il y ait le port, personne ne voulait venir s'installer dans la région, mais maintenant que le projet voit le jour, nos terres sont accaparées. »
Sa parcelle est située dans la localité de Hindi, tout proche du nouveau port. Le prix de la terre y a été multiplié par six ces dernières années.
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