Reportage Afrique

Nord du Nigeria: sur les réseaux sociaux, «les vrais influenceurs, ce sont les prédicateurs et les imams» [2/2]

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Plusieurs jeunes ont été arrêtés récemment dans le Nord du Nigeria, après s'être moqué de leurs dirigeants sur les réseaux sociaux. Dans une société très conservatrice, le respect des normes sociales et religieuses est central, même en ligne.

Les réseaux sociaux (Image d'illustration).
Les réseaux sociaux (Image d'illustration). © Richard Drew / AP
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De notre envoyée spéciale à Kano,

Avec ses cinq millions de followers et ses sketchs humoristiques, Badoo est une petite célébrité sur TikTok dans le nord du Nigeria, même si nombre de ses abonnés se trouvent en Somalie ou aux Philippines. Son contenu est léger et évite les questions de politique ou de religion. « Les vrais influenceurs, ici, dans le Nord, ce sont les prédicateurs et les imams et ça ne changera pas. J’ai arrêté de publier en hausa sur Twitter à cause de ça. Tu peux poster un message en pensant que ça va, mais quelqu’un d’autre va peut-être l’interpréter différemment. »

Au mois de novembre, l’arrestation et la détention d’un étudiant qui s’était moqué de la première dame du Nigeria sur Twitter avait choqué le pays. Aaminu Mohammed avait posté une photo d’Aisha Buhari avec cette légende en Hausa : « Mama a pris du poids en mangeant l’argent des pauvres ».

L’avocat des droits de l’homme Abba Hikima, installé à Kano, revient sur ce cas : « D’abord, tu ne peux pas arrêter quelqu’un pour diffamation sans mandat. Ensuite, il a été emmené en dehors de l’État dans lequel il a été arrêté. Sa famille n’a pas non plus été informée, détaille l’avocat. Puis il a été détenu pendant plus de 24 heures, ce qui est interdit par la loi. Et enfin, il a été frappé. »

► À lire aussi : Au Nigeria, libération de l’étudiant incarcéré pour un tweet visant la Première dame

Respect de la loi islamique

L’avocat relève que le mouvement de solidarité qui est ensuite né sur les réseaux sociaux pour exiger sa libération venait surtout du Sud du Nigeria, à majorité chrétienne. « La culture est un facteur important. De plus, les gens ont une mauvaise compréhension de l’Islam. Les gens du Nord pensent qu’il faut juste fermer les yeux, obéir aux leaders, et les suivre aveuglément. C’est aussi le manque d’éducation, le niveau d’alphabétisation est beaucoup plus faible dans le Nord du Nigeria. Les gens ne connaissent même pas leurs droits, donc ils se défendent moins. »

Mais pour le professeur Abdallah Uba Adamu, qui enseigne à la faculté de Communication de l’Université Bayero de Kano, il ne s’agit pas d’une atteinte à la liberté d’expression, mais plutôt de défendre les valeurs fondamentales de la société islamique : « Les musulmans respectent les mères de famille. Donc si tu insultes ma mère, j’ai le droit de réagir. C’est exactement ce qu’il s’est passé. Aisha Buhari n’a pas réagi en tant que première dame, mais en tant que mère. Ce sont les valeurs traditionnelles africaines, qui veulent qu’un enfant qui fait une bêtise soit puni. »

Le professeur confirme que la situation est différente dans le Sud du Nigeria. Mais dans les États du nord du pays, le respect de la loi islamique prime, y compris en ligne – selon lui.

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