En Éthiopie, le prince Beedemariam Mekkonen se souvient de sa détention, 50 ans après le coup d'État
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Il y a 50 ans, l’empereur éthiopien Hailé Selassié était détrôné par l’armée à la suite d’un mouvement de contestation populaire dans tout le pays contre le système féodal. Les militaires confisquent alors le pouvoir et mettent en place une dictature communiste avec à sa tête Mengistu Haile Mariam. Après 44 ans de règne, la fin du « Rois des Rois » est tragique. Nous revenons sur cet épisode de l'histoire avec le témoignage du prince Beedemariam Mekkonen, le petit-fils de l’empereur. Très tôt orphelin de père, son grand-père l'avait pris sous son aile. Il a vécu à ses côtés jusqu’au coup d'État militaire qui a mis fin au règne sans partage du négus.

De notre correspondante à Addis-Abeba,
Entre les murs blancs et gris des sous-sols de l’ancien palais des empereurs d'Éthiopie, Beedemariam Mekkonen, se souvient de sa détention. « Moi, mon endroit, c'était juste là, pointe le septuagénaire. Au début, il y avait un lit et puis, après, c'est devenu par terre. » En 1974, il est emprisonné ici par le nouveau gouvernement communiste, appelé le Derg, et y reste deux ans avec sa famille et les membres du cabinet.
« Beaucoup de ministères étaient là… Il y a eu 60 qui sont morts avant qu’on ne vienne et une douzaine qui sont morts après, qu’on est allés à la prison centrale. Tout le temps, on ne savait jamais ce qui allait venir. Et le Derg tenait ses réunions, le comité du régime militaire, ils avaient leur réunion juste en haut », raconte-t-il.
L’empereur, lui, est enfermé dans un autre bâtiment du palais, à quelques centaines de mètres, où il passe les dix derniers mois de sa vie avant d’être exécuté. Le prince, quant à lui, est emprisonné 12 années à la prison centrale, durant lesquelles il se lie d’amitié avec ses codétenus, dont des révolutionnaires intellectuels, considérés comme des « traitres » selon le Derg, à l'image de Tadelech Hailemichael, alors militante du Parti révolutionnaire, aujourd’hui diplomate. « Cela fait 40 ans qu’on se connait et qu’on est amis », plaisante-t-il à ce sujet.
Influencée par les idées marxistes-léninistes en vogue à l’époque, la militante réclamait plus de justice et de pouvoir pour le prolétariat. « Les élites demandaient qu’il y ait un gouvernement de transition dans lequel tout le monde puisse être représenté, tous ceux qui sont sortis pour demander leurs droits, pour écrire la constitution. Moi, personnellement, je pense que ça a été le point où l'on a échoué », regrette-t-elle.
Le régime autocrate a brisé les idéaux révolutionnaires, réprimant violemment les oppositions durant ce qui fut appelé la Terreur Rouge. Le pouvoir dictatorial du Derg a duré jusqu’en 1991, date à laquelle le gouvernement est renversé par une rébellion. En 2019, les résidences impériales sont entièrement rénovées au sein du parc de l’Unité ouvert aux touristes. « Quand j’ai vu ça pour la première fois, j'étais content, se félicite le prince. Ils l’ont renouvelé de manière même plus jolie, on peut dire cela. Durant le Derg, c'était très abîmé... »
Aujourd’hui, le prince est en pleine rénovation de l’hôtel Wabe Shebelle, construit par le négus, afin de préserver son héritage et, plus encore, le souvenir de l’Empire éthiopien.
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