Reportage Afrique

Soudan du Sud: les ravages du manque de soins médicaux dans les zones isolées par les inondations [3/3]

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Troisième et dernière partie de notre série de reportages auprès des communautés sud-soudanaises ayant fui les inondations dans le comté d'Ayod, au nord-est du pays. Elles ont trouvé refuge le long du canal de Jonglei depuis 2021, et vivent dans un certain isolement. Il n'y a pas de route praticable, les marchés ne sont pas approvisionnés, et les habitants ont perdu une grande partie de leurs troupeaux à cause de l'eau. Les conditions de vie sont très rudes, et le manque de services de base a un lourd impact sur la santé.

Nyawech Wal Bipal, 80 ans, patiente de la clinique de Paguong, village situé le long du canal de Jonglei, entouré d'eau des inondations, dans le comté d'Ayod de l'Etat du Jonglei au Soudan du Sud, le 14 novembre 2024.
Nyawech Wal Bipal, 80 ans, patiente de la clinique de Paguong, village situé le long du canal de Jonglei, entouré d'eau des inondations, dans le comté d'Ayod de l'Etat du Jonglei au Soudan du Sud, le 14 novembre 2024. © RFI / Florence Miettaux
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Dans le village de Paguong, au nord-est du Soudan du Sud, où vivent plus de 10 000 réfugiés climatiques, il y a bien une clinique, mais elle manque de tout. Entourée d'eau stagnante et de boue, elle ne compte que deux petites structures en tôle ondulée. Quant aux patients, en majorité des femmes et des enfants, ils attendent leur consultation assis à même le sol, à l'ombre d'un arbre.

Nyawech Wal Bipal, 80 ans, arrive à la clinique en s'aidant d'une canne. « Je me sens mal, confie-t-elle. Je ne sais pas de quoi je souffre. » Déplacée par les inondations depuis quatre ans, elle vit dans des conditions déplorables, non sans conséquences sur sa santé : « J'ai perdu ma maison dans les inondations. Maintenant, je vis sans moustiquaire ni bâche en plastique pour me protéger de la pluie. Avant, nous avions des vaches, mais elles sont mortes. Je souffre de la faim, je n'ai plus de lait à boire », se désole-t-elle.

Le docteur Juong Dok Tut en consultation à la clinique de Paguong, village situé le long du canal de Jonglei, entouré d'eau des inondations, dans le comté d'Ayod de l'Etat du Jonglei au Soudan du Sud, le 14 novembre 2024.
Le docteur Juong Dok Tut en consultation à la clinique de Paguong, village situé le long du canal de Jonglei, entouré d'eau des inondations, dans le comté d'Ayod de l'Etat du Jonglei au Soudan du Sud, le 14 novembre 2024. RFI / Florence Miettaux

Lors d'un moment de panique, la cinquantaine de patients assis par terre sursautent et s'enfuient, car un serpent vient de passer parmi eux. Il y a eu plus de peur que de mal, puisque ce serpent-là n'était pas venimeux. Mais les serpents dangereux sont nombreux par ici, dans l'eau qui entoure le village, comme l'explique le docteur Juong Dok Tut :

« Ici, nous nous approvisionnons en médicaments depuis Ayod, qui est très loin. La ville est à six heures de marche, dans l'eau. C'est très dangereux pour les gens qui y vont, car il y a des serpents. Nous avons eu quatre morsures potentiellement mortelles le mois dernier. Nous avons pu les traiter, mais maintenant, nous n'avons plus d'anti-venin. Nous avons alerté les autorités du comté, mais pour l'instant, nous n'avons pas de réponse. Nous ne savons que faire désormais en cas de morsure de serpent. »

La santé maternelle est tout aussi préoccupante, malgré la présence d'une sage-femme à la clinique. Mary Nyalieth Wicnuor, une patiente de 38 ans, se rappelle ce qui est arrivé à l'une de ses voisines lors de l'accouchement de son premier enfant :

« Elle avait de graves complications. Elle a passé une nuit et un jour ici sans arriver à accoucher. Elle a dû être transportée vers un autre centre de santé, à une heure de marche d'ici. Là-bas, elle a pu accoucher avec une aide médicale, mais le bébé est mort. Et depuis, elle souffre énormément, car elle n'arrive pas à avoir d'enfant. C'est le manque de services de santé qui a causé ça. »

Un malheur aussi causé par le paludisme, qui fait des ravages ici à Paguong, la zone étant infestée de moustiques à cause de l'eau stagnante.

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