Reportage culture

«Le Sacre du Printemps», un scandale mythique pour une œuvre emblématique

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Conspué par une salle au bord de l'émeute lors de sa première représentation, Le Sacre du Printemps, ce ballet de Stravinsky dans une chorégraphie de Nijinski, fait aujourd'hui partie des œuvres phares du XXe siècle. Retour sur une soirée mémorable au Théâtre des Champs-Élysées à Paris.

Représentation du «Sacre du Printemps» d'Igor Stravinsky à Berlin, en 2013.
Représentation du «Sacre du Printemps» d'Igor Stravinsky à Berlin, en 2013. © AFP/John MacDougall
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« 1913, le scandale du Sacre du Printemps, c’est l’acte de naissance de la modernité artistique », raconte d’emblée Nicolas Southon, musicologue. Ce soir du 29 mai, le cassiste à un ballet qui tourne à la bataille. Le « sacre » devient le « massacre » du printemps.

« Dès le début de l’exécution de l’œuvre va apparaître d’abord une sorte de brouhaha, quelques cris d’animaux qui vont être lancés. Chacun y va de son invective : “Appelez un dentiste !”. Certaines personnes en sont venues aux mains. “Appelez deux dentistes ! », rappelle le musicologue. Puis il poursuit : « On a plusieurs récits de cette soirée extraordinaire, notamment de Cocteau. Certains mots qui sont passés à la postérité : “Taisez-vous, les garces du XVIe [arrondissement] !. » 

Nicolas Southon ajoute que « Maurice Ravel, présent dans la salle, crie au génie. Une comtesse estime qu’on se moque d’elle. Florent Schmitt, un compositeur ami de Ravel et Stravinsky demande à tout le public bourgeois de se taire : “Laissez-les achever le spectacle”. Et finalement c’est ce que Serge Diaghilev (organisateur de spectacles et impresario de ballets russes, ndlr) cherchait ; il avait besoin de renflouer sa compagnie des Ballets russes, il cherchait un succès et il a eu un succès de scandale. »

À l’opposée de toutes conventions

Ce scandale, où les poings répondent aux sifflets, les injures aux louanges, doit son succès aussi bien à la musique qu’à la danse. 

« Stravinsky compose son troisième ballet pour les Ballets russes de Serge Diaghilev qui raconte le sacrifice d’une jeune femme au moment de l’arrivée du printemps. Et pour rendre ce rite païen, il va composer une musique à l’opposé de tout ce qu’il a fait jusqu’à maintenant et de tout le romantisme du XIXe siècle. Une musique très violente, brutale, très rythmique. Ce sont des bribes mélodiques qui tournoient, s’opposent, des grands accords massifs », raconte Nicolas Southon.

Puis il ajoute : « Et de la même façon, Nijinski, danseur et chorégraphe des Ballets russes, va s’opposer à toute la tradition de la danse classique : avec des positions inhabituelles des pieds, des mains, avec le dos voûté. Même s’il est déjà moderne, il va être encore plus moderne que d’habitude en refusant toute grâce, toute joliesse. »

Du pugilat au triomphe

Se terminant dans une ambiance houleuse digne d’un stade de foot, où une dame de la haute société arrache un strapontin pour le casser sur la tête d’un écrivain, le spectacle est accueilli sans esclandre à Londres et se transforme en triomphe un an plus tard à Paris sous forme de concert.

L’œuvre finira par séduire les plus grands chorégraphes du monde ; Maurice Béjart, Pina Bausch en passant par Bartabas et ses chevaux, tandis que sa musique fait son entrée dans le répertoire populaire dès les années 1940, via un film d’animation devenu lui-même légendaire : Fantasia de Walt Disney. 

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