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Clichy-sous-Bois: la délicate reconstruction 20 ans après la mort de Zyed et Bouna

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C’était il y a 20 ans à Clichy-sous-Bois en banlieue parisienne. Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, mouraient électrocutés après avoir été pourchassés par la police. Les adolescents s’étaient réfugiés dans un transformateur EDF pour tenter d’échapper à un contrôle d'identité. Le drame avait déclenché 21 nuits d'affrontements entre jeunes et forces de l'ordre en banlieue parisienne d'abord, puis partout en France. Des révoltes qui ont permis aux habitants de ces quartiers populaires de montrer les discriminations qu'ils vivaient au quotidien, sur le plan social, mais aussi géographique. 20 ans plus tard, RFI est retourné à Clichy-sous-Bois. Si les infrastructures de la ville se développent (le métro y fera d'ailleurs son arrivée en 2027), le poids de l'histoire tragique de Zyed et Bouna pèse toujours sur les Clichois.

Des voitures incendiées dans la rue, le samedi 29 octobre 2005, après des affrontements nocturnes entre jeunes et forces de l'ordre à Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne.
Des voitures incendiées dans la rue, le samedi 29 octobre 2005, après des affrontements nocturnes entre jeunes et forces de l'ordre à Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne. © AP - Christophe Ena
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Depuis 2019, c'est un peu plus facile d'aller et venir à Clichy-sous-Bois, même si, à 15 kilomètres seulement de Paris, la ville reste mal desservie par les transports en commun. C'est ici que Mehdi Bigaderne a grandi. Il avait 23 ans en 2005 : « J'étais à l'université de Saint-Denis, je mettais trois heures, alors peut-être qu'on met un peu moins, je ne sais pas, aujourd'hui, mais on met quand même beaucoup de temps et, effectivement, on ne part pas de la même ligne de départ, ça, c'est certain. Et cette question des discriminations, elle n’est pas vraiment prise au sérieux. »

Ce tramway, le T4, avait pourtant été annoncé en personne par le président Jacques Chirac dès 2006, au lendemain des violences urbaines, nées ici, dans un quartier fragile, mais tranquille, qui s'est brutalement retrouvé sous le feu des projecteurs : « Je m'en souviens comme si c'était hier, parce que c'est tellement marquant. Je suis un enfant de la ville et c’est la première fois que je voyais la ville dans cet état-là, avec des brigades de CRS pratiquement dans chaque immeuble. Et puis, après, on a vu arriver un hélicoptère – moi, j'avais l'impression d'être à Bagdad, à un moment donné – qui tournait autour des immeubles avec un projecteur, qui était pénétrant dans les appartements, déjà qu’ils n’étaient pas très grands… »

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La mort de Zyed et Bouna a laissé des cicatrices profondes dans le quartier

À l'époque, l'ampleur de la réponse sécuritaire choque les habitants qui pleuraient deux enfants du quartier : Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans...

Ce qui n'arrange rien au rapport fragile entre police et population… Olivier Klein, maire actuel, était adjoint à la jeunesse et à la ville il y a 20 ans : « Quand les maires de l'époque ont vu le président de la République, il a demandé quelles seraient les urgences. Les deux maires, ensemble, ont dit : "Il nous faut un tramway – une des raisons de la popularisation, c'est l'enclavement, le temps pour aller bosser, le temps pour aller étudier, etcetera –, et on a besoin d'avoir un commissariat de plein exercice – pour que la police puisse être comme un poisson dans l'eau dans nos quartiers." »

Les discriminations, un enjeu majeur

En 2012, un commissariat sort de terre à Clichy. Les cicatrices sont encore bien visibles, mais d'après Mehdi Bigaderne, qui a cofondé l'association ACLEFEU pour faire remonter la parole des quartiers populaires auprès des institutions, constate que les choses changent petit à petit : « Les commissaires qui ont dirigé ce commissariat étaient ouverts à travailler avec les associations, donc on voyait qu’il y avait une volonté de se dire, s'il y a des incidents, on peut s’en parler… En revanche, je pense qu'ils sont limités parce que, je ne crois pas me tromper en disant ça, c'est qu’on a aussi un problème qui est plutôt général. Moi, je suis content de pas avoir revécu un tel drame sur la ville, mais il y en a eu d'autres malheureusement, et il faut que l'État prenne à bras-le-corps ce sujet-là qui, aujourd'hui, peut être un fonds de commerce pour certains politiques. »

En 20 ans, les visages enfantins de Zyed et Bouna ont été rejoints par des dizaines de sourires similaires dans les marches blanches. D'après le média Basta!, le nombre de décès annuels imputables aux forces de l'ordre françaises a doublé depuis les années 2000.

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