Reportage France

«Mon objectif ne changera jamais»: à Calais, un accord migratoire sans effet

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Entré en vigueur le 6 août dernier, l'accord migratoire conclu entre Londres et Paris permet au Royaume-Uni de renvoyer des exilés en France et, en échange, d'en accueillir autant. Mais la mesure peine à se mettre en place et n'a aucun effet sur les traversées. Reportage à Calais, l'un des principaux points de départs des migrants.

Un groupe de migrants à bord d'un canot pneumatique quitte la plage de Petit-Fort-Philippe, à Gravelines, près de Calais, dans le nord de la France, pour tenter de traverser la Manche et rejoindre la Grande-Bretagne.
Un groupe de migrants à bord d'un canot pneumatique quitte la plage de Petit-Fort-Philippe, à Gravelines, près de Calais, dans le nord de la France, pour tenter de traverser la Manche et rejoindre la Grande-Bretagne. REUTERS - Abdul Saboor
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Une partie de football s'improvise dans la cour du Secours catholique à Calais. L'association offre, en plein centre-ville, un lieu de répit aux exilés. Ici, beaucoup ont déjà entendu parler de l'accord migratoire entre la France et la Grande-Bretagne, sans toujours en connaître les détails. « J'ai entendu parler de cet accord, c'est un peu comme si on était des animaux. Mais je ne peux pas faire demi-tour et je ne peux pas rester ici. Je n'ai pas d'autre choix », affirme Abdo, originaire du Yémen et arrivée à Calais il y a un mois.

À l'intérieur du bâtiment, des dizaines d'hommes, souvent jeunes, discutent autour des multiprises si précieuses pour recharger leur portable. La fréquentation du centre n'a pas baissé, malgré la nouvelle menace qui pèse sur les candidats à la traversée. « Je pense qu'au début, il y avait des questions qui se posaient. Quand l'information est sortie, les gens, par pragmatisme, continuaient de passer en petits bateaux. Nous, on a tout de suite pensé que c'était inefficace. Tant que les personnes sont coincées dans ces politiques européennes, elles continueront d'aller en Angleterre », estime Léa Biteau, qui coordonne l'antenne du Secours catholique à Calais.

De fait, depuis le 1e janvier, près de 37 000 personnes sont arrivées au Royaume-Uni à bord de petites embarcations, au départ des côtes françaises. Ce chiffre dépasse celui de l'ensemble de l'année 2024. Et depuis l'entrée en vigueur de l'accord entre Londres et Paris, seulement 42 personnes ont été expulsées de Grande-Bretagne et 23 ont obtenu un visa. 

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Pour bénéficier de ce principe du « un pour un », un expulsé de Grande-Bretagne pour un accueilli, le candidat doit s'inscrire de son propre chef sur une plateforme du ministère de l'Intérieur britannique, via un smartphone. Faut-il encore le savoir. Une ONG britannique a dû se déplacer à Calais ces dernières semaines pour aider les exilés dans leurs démarches.

« Parmi les visiteurs réguliers de l'accueil de jour, il y en a pas mal qui ont fait des demandes, raconte Sakina, médiatrice au Secours catholique. Pour l'instant, je ne connais qu'une seule personne qui a eu un rendez-vous à Paris. Le problème, c'est qu'ils lui ont demandé l'original de son passeport. Sauf que c'est complètement déconnecté de sa réalité à lui et de la réalité de pas mal de personnes exilées d'ici. Il s'agit de beaucoup de personnes qui ont fui des situations de guerre, de conflit et qui n'ont donc pas les originaux de leurs papiers. »

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CJ a la chance d'avoir pu conserver son passeport. Ce Soudanais de 28 ans, qui a plusieurs fois échoué à traverser la Manche, a tenté cette fois la voie légale. « Oui, j'ai déposé une demande sur cette nouvelle appli britannique, pour obtenir un visa. Mais elle n'a pas été acceptée », regrette-t-il.

Alors est-ce que cela change ses projets ? Sa réponse n'est pas celle qu'espèrent les autorités britanniques. « En fait, oui, j'ai changé d'avis. Pas pour rester ici en France. Je vais essayer par camion. Mon objectif ne changera pas, jamais », affirme-t-il. En 2024, moins de 2 500 personnes ont choisi de tenter la traversée par camion, une voie extrêmement dangereuse et abandonnée depuis quelques années au profit des canots pneumatiques.

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