Reportage international

Japon: lutter contre l'alcool pour lutter contre le Covid-19

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Le Japon fait face en ce moment à une quatrième vague particulièrement virulente de l'épidémie. La situation sanitaire s'est tellement dégradée que l'état d'urgence a de nouveau dû être décrété à Tokyo – à moins de trois mois des JO -  et dans plusieurs régions. Problème : malgré ces mesures d'exception, le nombre quotidien de contaminations continue d'augmenter. Aussi, les autorités s'attaquent, elles, désormais à un des facteurs qui, à leurs yeux, contribuent beaucoup à la propagation du virus : la consommation d'alcool.

Les images du Premier ministre japonais Yoshihide Suga déclarant un nouvel état d'urgence sur un écran géantdans une rue de Tokyo, le 7 janvier 2020
Les images du Premier ministre japonais Yoshihide Suga déclarant un nouvel état d'urgence sur un écran géantdans une rue de Tokyo, le 7 janvier 2020 Philip FONG AFP
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La ville de Tokyo a décidé de serrer la vis en matière de consommation d'alcool. Elle fait la chasse aux amateurs de saké ou de bière. Au point que, sur les réseaux sociaux nippons, désormais, beaucoup font le rapprochement avec la Prohibition : l'époque où, aux Etats-Unis, dans les années 20 et 30, la vente et la consommation d'alcool étaient interdites.

À Tokyo, cela fait plus d'un an que, le soir, une armada de fonctionnaires sillonne les rues et presse les passants de rentrer chez eux. « Messieurs-dames, l'alerte rouge est déclenchée le soir au centre-ville : le virus s'y propage très vite. Soyez prudents : ne vous attardez pas ici »

Mais depuis le nouvel état d'urgence, les mises en garde sont plus ciblées. Dans la rue ou même dans les magasins, désormais, l'avertissement que l'on entend en boucle, c'est celui-ci : « Votre attention, s'il vous plaît. Nous vous demandons de ne surtout pas boire de l'alcool en groupe ». « Avis à notre clientèle : l'alcool acheté ici ne doit pas être consommé sur la voie publique. Cela accroît les risques de contamination ».

La priorité sanitaire à Tokyo, dorénavant, c'est la lutte contre l'alcoolisation. Parce que des études auraient montré que le virus se transmet plus rapidement dans des contextes alcoolisés. Tous les bars et les restaurants qui servaient de l'alcool ont donc dû fermer ce qui mécontente ce retraité. « Dans les restos, on devait déjà manger en silence et remettre son masque entre chaque bouchée. Et voilà maintenant qu'ils ne servent plus d'alcool ?! Même pas juste une petite bière ?! Franchement, là, ils exagèrent... », déplore-t-il.

Le soir, faute de bars ouverts, les places publiques et les parcs sont noirs de monde, envahis par des Tokyoïtes venus y boire de la bière ou du saké. Cela inquiète Yasunobu Nishimura, qui est directeur à la préfecture. « L'alcool aidant, tous ces gens parlent de plus en plus fort, oublient les distances sociales et finissent par ôter leur masque. Ils sont trop saouls pour s'en rendre compte mais, ce faisant, ils se mettent en danger ! »

Les fêtards, chaque semaine plus nombreux, ne culpabilisent pas d'enfreindre les consignes, ce qui se fait très peu au Japon. « Je retrouve mes copines ici après le boulot. Pour boire, oui, mais, surtout – et ça n'a pas de prix, en ce moment – , pour rire et me détendre. Personne ne dit rien aux petits vieux qui, la journée, boivent ensemble du saké dans les parcs donc on aurait tort de se gêner ... »

« Il faudrait savoir ! On nous répète qu'il ne faut surtout pas fréquenter les endroits confinés et peu ventilés. Mais là, on est dehors, au grand air. Donc il est où le problème ? »

« Une bière ou deux entre copains, ça n'a jamais tué personne. Et puis, tout le monde le fait, donc... »

Oui mais les habitants des quartiers qui sont devenus des bars à ciel ouvert grimacent, comme cette jeune mère de famille. « Il faudrait imposer un ''lockdown'' – un confinement pur et dur – et infliger des amendes voire des peines de prison à ceux qui ne le respectent pas », estime-t-elle. Sans aller jusque-là, la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, a déjà prévenu que, si ces attroupements festifs nocturnes ne cessaient pas, elle pourrait finir par interdire aux magasins de vendre de l'alcool.

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