Reportage international

Pérou: face la sécheresse, les sœurs Machaca «récoltent» l’eau grâce à des techniques ancestrales

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Au cours des 50 dernières années, le Pérou a perdu la moitié de la superficie de ses glaciers. Les cours d’eau qu’ils alimentaient se sont donc asséchés, privant une grande partie de la population de cette ressource vitale. Face à l’inaction de l’État, dans la région d’Ayacucho, au sud du pays, les sœurs Machaca et leur communauté ont ravivé un savoir millénaire pour recueillir, stocker et distribuer l’eau de pluie. Cette technique ancestrale « qucha ruway » en quechua, « semer et récolter l’eau » permet aujourd’hui d’approvisionner des milliers de Péruviens en eau, d’irriguer les cultures et de reconstituer les nappes phréatiques.

Les sœurs Machaca sur les hauteurs de Quispillacta, un village situé à 4 000 mètres d’altitude au cœur des Andes péruviennes.
Les sœurs Machaca sur les hauteurs de Quispillacta, un village situé à 4 000 mètres d’altitude au cœur des Andes péruviennes. © RFI -Wyloën Munhoz-Boillot
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Nous sommes sur les hauteurs de Quispillacta, un village situé à 4 000 mètres d’altitude au cœur des Andes péruviennes. Une région surnommée « la petite Suisse ». Et pour cause ici, les pentes sèches ont été transformées en vastes champs de cultures et en pâturages où broutent vaches, moutons et alpagas, à proximité d’un grand lac.

Pourtant, il y a 30 ans, Quispillacta semblait condamnée à subir les effets du réchauffement climatique se souvient Marcela Machaca, originaire de la zone : « Dès les années 1990, toute la région altoandine a connu des périodes de sécheresse intenses. La neige a commencé à disparaître des sommets et tout le territoire de notre communauté s’est asséché. À tel point qu’il n’y avait plus que des plantes qu’on trouve normalement en zone désertique : des épineux, des plantes vénéneuses. Et nos bêtes mouraient à cause de ces plantes et de l’absence de pâturage. »

Les sœurs Machaca appelées à la rescousse

C’est dans ce contexte que Marcela Machaca et ses sœurs qui étaient parties en ville pour étudier et devenir ingénieurs agronomes, ont été appelées à la rescousse par leur communauté en quête d’eau.

Mais la solution, elles l’ont finalement trouvé en se tournant vers les anciens de leur village et leur savoir millénaire. « On a été voir les plus âgés en leur demandant comment ils faisaient autrefois dans ce genre de situation, explique Marcela. Ils nous ont parlé de réservoirs souterrains qui auraient été creusés par nos ancêtres pour récolter l’eau de pluie lors des grandes sécheresses. Ils nous ont aussi enseignés comment détecter la présence d’eau souterraine, grâce aux plantes. Et c’est grâce à ces indices qu’on a créé notre premier réservoir d’eau. »

 « Oui, poursuit Magdalena. En fait on a repéré un bassin qui existait déjà et donc il n’y avait plus qu’à l’agrandir et ériger une digue de pierres et d’argile tout autour. Et au bout de 5-6 ans, il y avait de l’eau en permanence dans ce réservoir. »

Un écosystème s'est mis en place

Et comme l’explique Magdalena Machaca, avec la reconstitution de ce réservoir, c’est tout un écosystème qui s’est mis en place : « Toute cette végétation, les plantes natives tout comme les pierres qui entourent le réservoir, retiennent, filtrent et purifient l’eau de pluie. Ce qui fait que l’eau du réservoir est apte à la consommation humaine. Et tous ces éléments : les pierres, les plantes et l’eau génèrent aussi un microclimat puisqu’ils absorbent la chaleur le jour et la rejettent la nuit. Et ils contribuent aussi au cycle de l’eau. On a constaté que des nuages se forment régulièrement au-dessus du réservoir, puis vient la pluie. Tout cela assure la recharge en eau des aquifères. »

Aujourd’hui, les habitants viennent puiser dans ces réserves d’eau pour leur consommation quotidienne et creusent des canaux pour irriguer leurs champs. À ce jour, les sœurs Machaca ont construit 70 autres réservoirs qui approvisionnent non seulement les communautés indigènes de la région, mais aussi 20% de la ville d’Ayacucho qui était pourtant en situation de stress hydrique ces 15 dernières années, selon les Usagers de services d'assainissement Prestataires de services d'assainissement (Sunass).

Face au succès de l’initiative, en 2017 le gouvernement péruvien a lancé un programme national baptisé Sierra Azul dont l’objectif est la création de plus de 1 000 réservoirs d’eau à travers le pays. Preuve, selon les sœurs Machaca, que nos sociétés modernes peuvent apprendre et tirer profit des savoirs ancestraux.

►Lien vers leur association (Asociación Bartolomé Aripaylla)

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