Reportage international

Venezuela: avec la crise, la santé mentale des habitants se détériore

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Le pays est en crise depuis plusieurs années maintenant. Hyperinflation, pénuries, services basiques déficients... La vie au quotidien est toujours plus difficile. Mais qu’en est-il du moral des habitants ? Comment vit-on lorsque l’on manque de tout alors que l’on a vécu dans la prospérité ? Le pays a été le plus riche du continent et aujourd’hui, ils seraient 94% à vivre sous le seuil de pauvreté. Comment vont les Vénézuéliens ?

La crise économique dure depuis de longues années au Venezuela. Ici une manifestation à Caracas, le 8 février 2018, contre la pénurie de médicaments.
La crise économique dure depuis de longues années au Venezuela. Ici une manifestation à Caracas, le 8 février 2018, contre la pénurie de médicaments. © REUTERS / Carlos Garcia Rawlins
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Ils sont une quinzaine réunis un dimanche pour former un cercle de parole destiné aux journalistes. Un métier difficile au Venezuela. « Nous les journalistes, peu importe ce que l’on fait, on est en danger, explique Yira Yoyotte. Publier un tweet par exemple. Aller couvrir une manifestation peut avoir de graves conséquences, comme une détention arbitraire ».

Et aux problèmes liés à la liberté d’expression s’ajoutent les difficultés du quotidien : « Au Venezuela aujourd’hui, nous les journalistes nous devons cumuler 3 ou 4 emplois. Pour vivre "à moitié" comme on dit et quand je dis "vivre à moitié", je parle de couvrir nos besoins de base, et je ne parle pas de vêtements ou de chaussures mais de nous alimenter et d’avoir du matériel de travail à jour ».

Un mal-être généralisé chez les étudiants

La psychologue qui dirige cet atelier de soutien émotionnel, Yorelis Acosta, étudie le mal-être de ses concitoyens depuis plusieurs années : « Ce que je dis à mes patients, c’est que la santé mentale, c’est la tranquillité. Qui peut dire aujourd’hui au Venezuela qu’il est tranquille ? Quand tu te réveilles, tu es tranquille ou au contraire tu te dis : "Qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? Est-ce qu’il y aura des transports publics ? Qu’est-ce que je vais pouvoir acheter pour manger ?" Et quelque chose qui m’a marqué dernièrement, ce sont les plus jeunes. Le suicide, les idées suicidaires et la dépression sont très présents chez les jeunes générations. C’est très net en consultation ».

« Les jeunes ne voient plus l’université comme une opportunité pour devenir "quelqu’un" »

Il faut désormais se rendre à Mérida, car c’est là-bas que le taux de suicide est le plus élevé au Venezuela. Une ville qui a été un pôle universitaire très important. Chez un chercheur de l’Observatoire vénézuélien de la violence, qui préfère ne pas donner son nom, on évoque une hypothèse qui expliquerait pourquoi les mérideños vont mal. 

« En géographie, là où moi je donne des cours, j’avais en moyenne 50 à 60 étudiants chaque année, confie-t-il. Et puis quelques années déjà avant la pandémie, peu à peu, je n’ai plus eu que 14 étudiants, puis 9, puis 7, et aujourd’hui en temps de pandémie, je n’ai plus qu’un seul élève. Et c’est un mécanisme que l’on retrouve partout. Les jeunes ne voient plus l’université comme une opportunité pour devenir "quelqu’un" comme on disait avant. »

Aujourd’hui, les campus sont déserts, complètement abandonnés par les étudiants et les professeurs. Entre 5 et 6 millions de personnes ont quitté le Venezuela depuis 2015. En plus donc des difficultés à vivre dans le pays, ils sont très nombreux à porter en eux l’absence d’un parent ou d’un ami.

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