Chute de l'URSS: en Russie, l'enseignement de l'Histoire est encore loin d'être objectif
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Notre série sur les trente ans de la chute de l'Union soviétique. Une page de l'histoire récente qui est devenue un enjeu politique très sensible, son enseignement, tout particulièrement de la période stalinienne.
De notre correspondante à Moscou,
Un mercredi après-midi à Moscou, une classe en visite au musée du goulag de la ville : « La première chose que vous voyez ici à l'entrée, c’est ce que l’on voit aussi en premier quand on a affaire au système totalitaire : des portes. Voilà les portes des ministères, des bureaux, des portes de prison et des camps de travail. »
Konstantin Andreev, le responsable du centre de formation du musée, désigne aux adolescents des portes épaisses, le plus souvent en métal avec des serrures et des chaînes. La classe est silencieuse, ce n'est pas toujours le cas : « Un jour, un jeune homme est venu avec sa classe en costume, cravate et pin's Komsomol sur la poitrine, c'est-à-dire un pin's de l'Union des jeunesses léninistes communistes. Je fais la visite guidée, je parle de Staline, des camps, et lui montre son désaccord. Je le vois très bien, et je passe énormément d’énergie à expliquer. Après la visite, il est venu me demander : "Pourquoi détestez-vous autant le régime soviétique ? Pourquoi vous en parlez comme ça ?" J'ai regardé son pin's et je lui ai dit : "Vous savez, c’est pour que vous ayez la liberté de porter ce pin's ou de ne pas le porter". »
Des manuels scolaires pour « créer du patriotisme »
À peine 20 à 30% des élèves de terminale en visite dans ce musée savent ce qu'étaient le goulag et le culte de la personnalité, dit Konstantin Andreev. La responsabilité serait à trouver notamment dans l'histoire telle qu'elle est enseignée, et notamment depuis la mise en place de nouveaux manuels en 2012, selon la professeure d'histoire Elena Dordjieva.
« Sur le pacte Molotov-Ribbentrop par exemple, il est écrit qu’il "a permis d’éviter la guerre entre l’Union soviétique et l’Allemagne", explique-t-elle. Mais rien n’est dit sur les conséquences de ce pacte sur les peuples baltes, sur leur déportation. Et puis il y a aussi un problème avec l'objectif affiché des auteurs de ce manuel : créer du patriotisme. Mais la tendance en ce moment, c’est le faux patriotisme. Le patriotisme, c’est l’amour de la patrie, pas l’amour du gouvernement. Pour aimer sa patrie, il faut étudier son histoire de manière objective. Et pour cela, il faut parler ouvertement des pages sombres de l'histoire. »
Au printemps dernier, les sanctions pour la « diffusion d’informations notoirement fausses sur les agissements de l’Union soviétique durant la Seconde Guerre mondiale » s'élevaient jusqu’à trois ans d’emprisonnement.
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