Reportage international

Texcoco, le dernier lac de la vallée de Mexico en péril

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Mexico repose sur un lac, ou plutôt un système hydrologique complexe qui repose sur cinq bassins. Fondée par les Aztèques, la ville aurait été créée sur une île au milieu du lac de Texcoco, où un aigle dévorait un serpent sur cactus, selon la légende. De cet immense lac entouré des montages dans la vallée de Mexico, il ne reste plus grand-chose. Et dans une mégalopole qui connait un stress hydrique important, l’enjeu de la protéger est immense.

Sur cette photo du 17 octobre 2018, les travaux sont réalisés sur une piste d'atterrissage du nouvel aéroport de Mexico, dans le lit du lac asséché du lac Texcoco. (Image d'illustration)
Sur cette photo du 17 octobre 2018, les travaux sont réalisés sur une piste d'atterrissage du nouvel aéroport de Mexico, dans le lit du lac asséché du lac Texcoco. (Image d'illustration) AP - Marco Ugarte
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« Ça, c'est le grand canal collecteur. Il fait 60 mètres de large sur environ 7 kilomètres. Il a été construit pour dévier les cours d’eau des neuf fleuves de la zone orientale. Mais en réalité, cela provoque la mort du lac. »

Tout près de l’aéroport de Mexico à Texcoco, Jorge Daniel et les autres membres du Front des peuples pour la défense de la terre s’indignent devant ce canal toujours fonctionnel.

« Nous demandons qu’il soit démantelé ». Car peu avant la saison des pluies, cette partie du lac de plusieurs milliers d’hectares ressemble davantage à un désert. Depuis 20 ans, l'association qui rassemble des habitants Texcoco, se bat pour sauver ce qu’il reste du lac et tenter de restaurer la précieuse zone humide.

Adan Espinoza Roja se souvient qu’il n’en a pas toujours été ainsi. « J’ai vécu ici pendant 73 ans et vécu et vu la grandeur de ce lac qui était à son apogée et qu’il y avait de la vie sauvage et aquatique. »

Chaque année, Mexico souffre un peu plus des épisodes de sécheresse. Asséché au fil des siècles, il ne subsiste que quelques canaux à Xochimilco et le bassin de Texcoco à l’est de la mégalopole. C’est la dernière réserve d’eau de la capitale. Elle sert notamment à alimenter ses 23 millions d’habitants. 

« Depuis l’arrivée des Espagnols, il y a une lutte constante pour dessécher le lac. Ça fait 500 ans qu’on ne sait plus vivre avec l’eau. »

Fernando Cordova est professeur, spécialiste de l’eau. Il explique que ce lac fonctionne comme un bassin régulateur. Et plus ce dernier est fragilisé, plus il entraîne des catastrophes.

« Comme le fond du lac est argileux, quand on prélève de l’eau, il y reste sec et l’argile se comprime. Mais en même temps, il continue de pleuvoir tous les ans, l’eau continue de réclamer son territoire, explique le professeur. Donc tous les ans, nous nous inondons plus et alors la logique d’aujourd’hui fait que nous mettons plus d’infrastructures pour évacuer l’eau plus vite.

C’est une dynamique perverse : on prend l’eau du bassin et après on a plus d’eau. C’est quand même paradoxal qu’une ville comme Mexico, assise sur 5 grands lacs avec une saison des pluies chaque année se retrouve à court d’eau ! »

Texcoco vient d’être inscrite comme aire naturelle protégée. Un grand projet de réhabilitation est en cours, mais il manque de résultat, selon Jorge Daniel : « 17 milliards de pesos, mais ils n’ont pas réussi à ramener une seule goutte d’eau. Et non pas par manque de ressources, mais par manque de volonté. »

Mais pour Pedro Alvarez Diego, lui aussi membre du Front, c’est déjà une grande étape grâce à la lutte des communautés locales. « C’est une victoire car tout simplement : si depuis 2001, il n’y avait pas eu d’opposition. Je crois vraiment qu’aucun de nous ne serait plus là. »

Pour retrouver des niveaux d’eau satisfaisants à Texcoco, les spécialistes estiment qu’il faudrait au moins 20 ans.

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