Reportage international

Allemagne: une rentrée sous le signe du manque de professeurs

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En cette fin de mois d’août, les écoliers européens s’apprêtent à retrouver leurs camarades pour une nouvelle année. Mais tous n’auront pas de professeurs. En France, il manque ainsi 4 000 enseignants. Même constat alarmant en Italie, en Angleterre et même en Allemagne, pays pourtant longtemps épargné par cette crise du recrutement. Notamment, grâce à des salaires bien plus élevés que dans la grande majorité de ses voisins européens.

L'entrée d'une école à Berlin, en Allemagne. (Image d'illustration)
L'entrée d'une école à Berlin, en Allemagne. (Image d'illustration) Getty Images/Westend61 - Westend61
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De notre correspondant à Berlin, 

Dans certains Länder, les écoliers ont déjà repris le chemin de l’école depuis plusieurs semaines. Comme ici, au collège-lycée berlinois de Schadow dans le sud de la capitale. Boris Siebenhörl, la quarantaine sportive et carrure d’ancien joueur de rugby, a toujours enseigné dans cet établissement. Professeur de sciences politiques et d’histoire-géographie, il donne 26 heures de cours par semaine. Auxquelles viennent s’ajouter de longues heures de travail administratif et d’organisation et, de plus en plus, de remplacements de postes qui restent vacants. Mais avec une rémunération de 3 000 euros nets par mois, Boris reste satisfait de sa situation. Au sein des pays membres de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, seul le Luxembourg paye mieux ses enseignants.

« Cette rémunération montre que notre travail est important, qu’il est estimé à sa juste valeur, assure Boris Siebenhörl. Cette reconnaissance via un salaire convenable fait qu’on veut s’engager pour les élèves, tout donner lors des cours. Avec un salaire comme en France, je me dirais à la fin du mois en regardant ma feuille de salaire "tout ça pour ça ?". Je suis convaincu que ma motivation baisserait au fil des années. »

Des salaires 30 à 50% plus élevés qu'en France

Malgré des salaires entre 30 et 50% plus élevés qu’en France, l’Allemagne fait désormais, elle aussi, face à un manque d’enseignants. En partie pour les mêmes raisons que ses voisins. Notamment, le départ massif à la retraite des professeurs, la génération des baby-boomers. Mais du côté de la fédération du corps enseignant, on pointe une autre raison : l’absence de perspectives offertes aux professeurs.

« Si on compare les rémunérations avec les autres pays européens, les professeurs allemands profitent des meilleurs salaires en début de carrière, avance Heinz-Peter Meidinger, directeur d’établissement retraité et président de la fédération des enseignants. Mais cela s’inverse en fin de carrière : les Allemands ne font plus partie du haut du classement. Et c’est là que le bât blesse. À l’école primaire par exemple, 80% des instituteurs ne verront jamais leur salaire augmenter. Et oui, cela entraîne un manque d’attractivité pour notre métier. »

Pourtant annoncé de longue date par les syndicats, le manque d’enseignants s’est fait encore plus criant avec l’arrivée des réfugiés ukrainiens. Presque dans tous les arrondissements de la ville, plusieurs centaines d’enfants se retrouvent ainsi sans professeurs. Situation qui oblige les enseignants à jongler entre plusieurs classes. Avec l’embauche à tour de bras de personnes sans diplôme d’enseignant et venues d’autres horizons professionnels, la ville de Berlin a néanmoins tenté de réagir ces dernières années.

À voir ses élèves qui le saluent avec plaisir lors de la pause-déjeuner, il semble bien qu’Andreas Fischer ait réussi son pari de repartir de zéro. Ancien chef de produits de logiciels dans le privé, il coordonnait la relation entre clients et programmateurs de son entreprise. Il enseigne désormais les mathématiques et l’informatique. Si les médias dénoncent une politique du bouche-trou, sans réelle vision à long terme, avec des contrats à durée déterminée, Andreas Fischer y voit au contraire un enrichissement.

« J’ai été surpris au début »

« Cette expérience professionnelle où je faisais office d’intermédiaire entre plusieurs univers m’a beaucoup aidé, affirme Andreas Fischer. Au bout du compte, c’est la même chose. Je dispose d’informations, d’idées et je dois les formuler de telle manière que mes élèves les comprennent, et puissent utiliser ses nouvelles connaissances. Ce n’est pas si différent de ce que je faisais en tant que chef de produits. »

« Bien sûr que j’ai connu des difficultés, nuance Andreas Fischer. Pas tellement sur le contenu des cours ou la pédagogie, mais plutôt en matière de discipline. Chez les ados, avec la puberté, cela rend les choses plus compliquées. Oui, j’ai été surpris au début. Et puis, quand vous avez une heure de cours avec des jeunes de 16 ans, et derrière, après une pause de 5 minutes, vous avez en face de vous des enfants de 11 ans, la transition n’est pas toujours évidente. »

Pour son collègue, professeurs de sciences politiques, Boris Siebenhörl cette nouvelle année scolaire s’annonce une fois de plus compliquée. En plus de leurs heures de cours, ses collègues venus du privé doivent suivre une formation continue d’un an et demi en parallèle. Et ils sont nombreux à abandonner en cours d’année face à une charge de travail qui ne cesse d’augmenter.

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