En Irlande, la haute autorité de santé révèle qu’un bébé sur dix naît avec des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF), ce qui fait du pays le deuxième le plus touché au monde par ce phénomène après l'Afrique du Sud. Avec des conséquences irréversibles.

De notre correspondante à Dublin,
Les parents de Maggie sont alcooliques. Ils n’arrivent plus à gérer et la placent en foyer avec ses six frères et sœurs lorsqu’elle est petite. La mère a consommé beaucoup d’alcool pendant la grossesse. À 26 ans, Maggie paiera les conséquences toute sa vie.
« J’ai une très mauvaise mémoire et je ne ressens pas la faim. On doit me rappeler de manger sinon je peux passer plusieurs jours sans me nourrir. Je n’ai aucune capacité d’organisation, j’ai un trouble de l’anxiété et de l’attention. Je suis très sensible à certains bruits donc je peux me sentir dépassée très facilement, témoigne la jeune femme. Je ne pourrai jamais avoir un travail à temps complet, ça pourrait me prendre un an sans sortir de ma maison pour m’en remettre. Je ne suis pas comme tout le monde et quand je me rappelle de me doucher c’est une bonne journée ! Je n’ai jamais tenu ma mère pour responsable, mais parfois je me dis que c’est injuste. »
Jusqu’à très récemment, les médecins recommandaient aux femmes enceintes de boire une pinte de Guinness, source de fer. Les mentalités mettent du temps à évoluer avec des messages de prévention contradictoires.
82% des femmes consomment de l'alcool pendant leur grossesse
Voilà pourquoi Tristan Casson-Rennie a créé une association de sensibilisation après avoir lui-même adopté deux enfants atteints de TCAF, ces troubles causés par l’alcoolisation fœtale.
« J’ai été extrêmement frustré en essayant de soutenir mes enfants à travers leur vie. L’Irlande a une relation très confortable avec l’alcool. Il y a un vrai manque d’information et d’éducation. 82% des femmes consomment de l’alcool pendant leur grossesse en Irlande, c’est énorme, déplore Tristan Casson-Rennie. Beaucoup de gens disent qu’un ou deux verres, ça va. Mais on sait maintenant que c’est faux, c’est un jeu de roulette russe. Alors on essaie de les sensibiliser sur le risque. Il y a des mouchoirs sur tous les bureaux dans cette pièce, c’est une conversation difficile pour les parents. Ce qu’on leur dit c’est qu’aucune mère ni aucun père ne fait du mal à son bébé volontairement. Mais lorsqu’il n’y a pas de diagnostic, c’est là que les dégâts sont causés. »
Des troubles « invisibles » difficiles à diagnostiquer
Mais le diagnostic est très compliqué à obtenir avec des services de soins adaptés quasiment inexistants. Le déni est social, mais aussi médical. Les médecins contribuent à la confusion, explique le docteur David Gerry, qui a mis en place des formations pour les professionnels.
« 60% des pédiatres n’ont jamais fait le lien entre des retards de développement chez un jeune patient et une exposition à l’alcool. Ils n’y pensent pas et n’en parlent pas ! Si les médecins n’y connaissent rien et continuent de cautionner la consommation d’alcool pendant la grossesse, la moyenne de vie de l’enfant sans diagnostics et soutiens sera de 34 ans, souligne le médecin. Plus tôt l’enfant est diagnostiqué, plus tôt on peut intervenir. C’est comme un cancer : plus vous attendez, plus il s’aggrave. »
Les associations se battent aussi pour généraliser les pictogrammes avec les femmes enceintes barrées sur toutes les bouteilles d’alcool
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