L’inquiétant phénomène des gangs latinos à Madrid
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Depuis le début de l’année, les règlements de compte entre gangs composés d’immigrés d’Amérique latine ont déjà fait cinq morts dans la capitale espagnole. Selon la Garde civile, ces bandes d’adolescents sont violents, de plus en plus jeunes et très présents à Madrid et sa périphérie.

De notre correspondant à Madrid,
Nous sommes dans le quartier de Villaverde, dans l’extrême sud de Madrid, une périphérie où vit une importante population issue de l’Amérique latine, principalement des Équatoriens, des Péruviens, des Colombiens et des Dominicains. Dans un marché, pullulent les petits commerces latinos, comme on dit ici. Et aussi des discothèques, où ont lieu l’essentiel des disputes violentes.
Jorge est Péruvien. Il confirme que ces groupes violents de jeunes Latinos sont chaque fois plus présents dans le quartier. « Je les vois souvent, car je reviens du travail au petit jour. Ils sortent des discothèques. Une fois, je les ai surpris dans une rue où deux bandes s’affrontaient avec des tessons de bouteilles. Dans mon pays, cela arrive, c’est normal, mais pas ici. Cela m’a atterré », témoigne-t-il.
Ces groupes d’adolescents sont nombreux. Les forty two, les Dominican don't play, les Trinitarios, la garde civile et la police nationale ne savent plus où donner de la tête, et constatent que les affrontements entre bandes sont de plus en plus nombreux, pour en découdre. Notamment ici à Villaverde où récemment un jeune a été tué de deux balles dans la nuque, en plein jour.
« Ces bandes bougent beaucoup d’un quartier à l’autre, explique Rosa, une Équatorienne à la retraite qui œuvre dans une association de quartier pour tenter de freiner le phénomène de ces groupes rivaux. Je connais une discothèque où des jeunes s’y rendent pour s’amuser. Certains commencent à discuter pour un rien et les problèmes commencent. Ça peut s’envenimer jusqu’à l’utilisation d’une arme blanche. Dans cet endroit, il y a déjà eu un mort ou deux, voire plus. »
De plus en plus jeunes et une éducation déficiente
Ce qui inquiète le plus les enquêteurs, c’est que les membres de ces groupes sont de plus en plus jeunes, des adolescents de 13 à 16 ans, qui cessent d’aller à l'école. Ils rejoignent les rangs de ces mouvements, avec des rites d’initiation violents, au couteau, qui impliquent de s’attaquer physiquement à un groupe rival. Rosa pointe un grave déficit d’éducation : « En plus du problème parental, très souvent personne ne les élève. Ils regardent beaucoup la télévision, jouent aux jeux vidéo. La clé serait qu’ils puissent étudier comme de bons adolescents. »
Il y a l’éducation, et il y a aussi le phénomène de la drogue, cocaïne, héroïne, crack. Juan Francisco est dominicain, professeur d’éducation physique dans un lycée de Villaverde Alto. Il connaît bien ces jeunes. « Comme ces bandes sont très territoriales, elles ne permettent pas que quiconque s’approche de leur zone, car elles craignent qu’on leur prenne leur part de marché, quelque chose qui leur serait inacceptable », explique-t-il.
Les sociologues pointent divers facteurs pour expliquer cette montée de la violence entre groupes latinos : le manque d’emploi, l’expulsion en banlieue de familles immigrées, la pénétration des drogues. Sans oublier, souligne Juan Francisco, l’attrait pour des jeunes Latino-Américains déracinés d’appartenir à une tribu urbaine puissante et respectée.
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