Reportage international

Vingt ans après la chute de Bagdad, l'homme qui a jugé Saddam Hussein raconte

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Vingt ans après la chute de Bagdad qui a conduit à celle du régime de Saddam Hussein, entretien avec Rizgar Mohammed Amin, le juge kurde qui avait dirigé le procès à l'issue duquel le dirigeant irakien fut condamné à mort.

L'ancien juge Rizgar Mohammed Amin, dans un café d'Erbil, en 2023.
L'ancien juge Rizgar Mohammed Amin, dans un café d'Erbil, en 2023. © Théo Renaudon / RFI
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Ce 9 avril marque les 20 ans de la chute de Bagdad, trois semaines après le début de l’invasion américaine en Irak. Une opération militaire controversée dont l'objectif était le renversement du régime de Saddam Hussein. Le dictateur capturé le 13 décembre 2003 a ensuite été jugé par un tribunal spécial irakien qui a prononcé la peine de mort contre celui qui aura gouverné son pays pendant 23 ans.

À l'époque, Rizgar Mohammed Amin est le vice-président de la cour d'appel de Souleimaniye, dans le Kurdistan irakien. Des juges kurdes sont recherchés pour mener le procès de Saddam Hussein. Une réunion a alors lieu avec les autres magistrats de la ville et le ministre de la Justice. Par peur, les autres magistrats refusent de participer à ce projet. Rizgar Mohammed Amin, lui, accepte.

RFI : Une vidéo prise lors du procès vous montre sur votre siège en face de Saddam Hussein. Et il est très en colère contre vous.

Rizgar Mohammed Amin :  À ce moment-là, en fait, je ne me sens pas mal. Pour n’importe quel accusé, c’est un choc mental. Il faut se mettre à sa place. Le juge ne doit pas se mettre en colère. Saddam Hussein avait des choses à dire et il avait le droit de se défendre. Si les autres ont ce droit, Saddam Hussein l’a aussi. Pas d’exception. C’était un président qui avait perdu son pouvoir à ce moment-là. De cette période du procès, je garde un souvenir bizarre. Il n’y avait pas de sécurité à Bagdad. Les rues étaient dangereuses. Al-Qaïda était très présente. Ses hommes tuaient des gens ou les kidnappaient. Ils brûlaient des voitures.

Après quatre mois de procès, vous dénoncez des interférences et démissionnez.

C'étaient les partis politiques irakiens, le ministre de la Justice et les Américains. Ça passait par des coups de fil, des articles de presse, ou des lettres officielles directement envoyées à mon adresse. Ils me demandaient pourquoi je laissais Saddam s’asseoir, boire de l’eau, avoir du papier et un stylo. Ils me demandaient pourquoi je ne le jugeais pas plus vite pour l’exécuter rapidement. 

Le 30 décembre 2006, Saddam est exécuté par pendaison le jour de l’Aïd el-Kebir après avoir été condamné à mort. Que ressentez-vous à cette annonce ?

Je suis contre la peine de mort pour qui que ce soit. Et ça vaut pour Saddam. De toute évidence, l’Irak n’était pas prête à accueillir ce procès. La sécurité du pays n’était pas assurée. Les juges n’étaient ni neutres, ni formés au droit international. L’exécution de Saddam a créé un véritable conflit entre les sunnites pro-Saddam et les chiites du pays.

Un conflit qui a créé le terreau fertile à l’émergence de l’organisation État islamique des années plus tard en Irak.

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