Reportage international

Élections en Turquie: au Kurdistan irakien, le ciel tombe sur la tête du PKK

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L’armée fédérale irakienne a encerclé ce samedi 20 mai le camp Makhmour, camp du PKK en zone disputée avec le Kurdistan. Le PKK, parti nationaliste kurde de Turquie, est une organisation armée considérée comme terroriste par Ankara. Ce groupe, ennemi numéro un de Recep Tayipp Erdogan, est régulièrement bombardé depuis le premier tour de la présidentielle. Des drones et des avions de combat ont fait trois morts parmi des alliés du PKK. Juste à côté de Makhmour, plus important camp civil du parti. 

Yousuf Amin Abdullah, co-président du « comité du peuple » du camp de Makhmour, plus important camp civil du PKK en Irak et pointé du doigt comme « incubateur de terroriste » par Erdogan. Sur le drapeau et le portrait, Abdullah Öcalan, fondateur du PKK, emprisonné en Turquie depuis 1999.
Yousuf Amin Abdullah, co-président du « comité du peuple » du camp de Makhmour, plus important camp civil du PKK en Irak et pointé du doigt comme « incubateur de terroriste » par Erdogan. Sur le drapeau et le portrait, Abdullah Öcalan, fondateur du PKK, emprisonné en Turquie depuis 1999. © Théo Renaudon / RFI
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De notre correspondant de retour de Makhmour,

Au café du camp, on boit du thé et puis on joue aux dominos toute l’après-midi. C’est un peu le sport national ici. « Comme on a déjà été bombardé, on sait que c’est du sérieux. Et Erdogan, s’il est bel et bien réélu, il voudra en finir avec les Kurdes. Les exterminer en Turquie et ailleurs ! », s’exclame Rewan.

Makhmour, c’est immense. C’est une véritable petite ville du PKK en Irak, quelque 11 000 Kurdes vivent ici. Beaucoup sont des familles de combattants partis dans les montagnes, dans la guérilla contre l’armée turque. Le camp a été fondé il y a 20 ans maintenant et depuis tous le monde a les yeux rivés vers le ciel pour guetter les avions et les drones turcs.

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« Peut-être qu’un jour, je vais rejoindre la guérilla du PKK pour combattre Erdogan »

Roj, une jeune fille de 14 ans, vit entourée de ses perroquets. Elle est née ici, à Makhmour, et pourtant, elle suit assidûment les élections de son pays d’origine. « N’importe qui constate qu’Erdogan tue des gens, vole leur vote, ne peut pas accepter ça ! Moralement, je veux dire. Donc, oui, peut-être qu’un jour, je vais rejoindre la guérilla du PKK pour me battre contre Erdogan ! »

Sultan, la mère de Roj, observe sa fille. Cette femme a eu 10 enfants. Trois sont morts ; c’étaient trois filles combattantes contre l’armée turque. « Nos enfants ici voient les drones, qu’ils filment avec leurs téléphones. Ils sont si bas… Les drones comme les avions de combat. Hier, on aurait dit qu’ils étaient sur le point de nous bombarder ! On a eu très peur… C’est psychologique. On fait des cauchemars d’avions la nuit. »

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« Pourquoi ne pas essayer l’autre ? »

Le patron du camp, le chef politique Yousuf Amin Abdullah, nous accueille. « Nous sommes certains qu’il y a eu tricherie. Erdogan n’a pas participé aux élections avec son parti politique, mais avec l’État. Il a usé des services de l’État dans son intérêt », assène-t-il. « Des milliers de membres de l’opposition sont en prison. Ce qui met une pression incroyable sur les partis politiques kurdes. Et quand Erdogan enferme des milliers de Kurdes, de fait, il prend leur vote et il le jette à poubelle ! »

« Kiliçdaroglu veut, lui aussi, effacer notre révolution. Mais ce qu’Erdogan nous a fait, Kemal ne pourra pas faire pire. Nous voulons passer à autre chose qu’Erdogan. Alors, pourquoi ne pas essayer l’autre ? », poursuit-il. Malgré le discours anti-PKK qu’a tenu Kemal Kiliçdaroglu après le premier tour, il ajoute : « Maintenant, Kilijdaroglu, n’est pas lui-même. Son discours ne représente plus seulement ses idées du fait de ses alliances politiques. »

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L’armée irakienne a donc encerclé le camp ce samedi 20 mai pour mieux le contrôler sous pression de la Turquie.

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