En Serbie, les caméras chinoises inquiètent les citoyens
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La Serbie est souvent présentée comme le cheval de Troie de la Chine en Europe. Il faut dire que depuis l'arrivée d'Aleksandar Vucic à la tête de l’État serbe en 2012, les relations avec Pékin se sont intensifiées, notamment dans le domaine économique, mais pas seulement. En 2019, les autorités serbes ont ainsi opté pour le modèle de surveillance « à la chinoise » en installant des milliers de caméras à reconnaissance faciale à Belgrade. Des choix dénoncés par les associations de défense des libertés individuelles qui déplorent le manque de transparence et l'absence de débats démocratiques sur ces sujets. Il faut dire que pour le très autoritaire président Vucic, expert dans son numéro d'équilibriste entre est et ouest, la Chine de Xi Jinping est aussi une source d'inspiration en matière de gouvernance.

De notre correspondant à Belgrade,
Elles sont désormais visibles sur tous les boulevards et les places de Belgrade. À chaque coin de rue, plusieurs types de caméras scrutent et enregistrent les déplacements des citoyens. C'est notamment le cas devant l'université où étudie Stéphane, 22 ans. « Je ne suis pas contre ce système de caméra en général. Ce système est bon dans les sociétés normales. Mais il ne l'est pas du tout dans une société malade comme la nôtre parce que ces caméras ne font qu'aider la dictature d'un seul homme et de son entourage. »
Les caméras qui ont envahi les rues de la capitale serbe ces dernières années sont toutes fabriquées par Huawei, le géant chinois des nouvelles technologies. Pendant l'hiver 2019, le pouvoir du président Aleksandar Vucic était ébranlé par d'importantes manifestations. Quelques mois après, son gouvernement a annoncé l'adoption du programme « Safe City », le système de surveillance à reconnaissance faciale développé par Huawei, officiellement pour assurer la sécurité des citoyens.
« On parle déjà de plusieurs milliers de caméras installées à Belgrade. Elles ne sont pas seulement fixées sur des poteaux, on en trouve également sur les véhicules de police. Elles peuvent être aussi entre les mains des policiers. Le plan général, c'est d'installer plus de 8 000 appareils de surveillance biométrique du fabricant Huawei à Belgrade. Un chiffre qui est évidemment à la fois très important et très inquiétant », pointe Andrei Petrovski, le directeur technique de la fondation Share, une organisation de défense des droits numériques.
« Désastreux pour la démocratie »
Face aux critiques des organisations de la société civile, mais aussi des députés européens, le gouvernement serbe a assuré que le logiciel de reconnaissance faciale intégré aux caméras n'était pas encore actif. Avec d'autres associations, la fondation Share mène une bataille législative pour garantir les droits des citoyens et encadrer l'usage de ces technologies capables de reconnaître le moindre visage et de déceler des comportements jugés suspects.
« Le problème, ce n'est pas l'importation d'une certaine technologie chinoise, mais si c'est le modèle chinois de contrôle social qui est importé, alors là, c'est un vrai problème, affirme Andrei Petrovski. Si l'on pense par exemple aux manifestations qui ont lieu en ce moment chaque semaine, on peut craindre qu'avec ces technologies, les gens aient peur d'aller manifester, ce qui serait désastreux pour la démocratie. »
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Alors que grâce à ses partenariats stratégiques avec Pékin, les autorités rêvent de faire de la Serbie une puissance régionale de la 4e révolution industrielle, les défenseurs des droits humains s'inquiètent des nouvelles coopérations annoncées dans les domaines de l'intelligence artificielle et des biotechnologies.
► Reportage à Belgrade de Louis Seiller à retrouver en intégralité dans Accents d'Europe.
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