Reportage international

Argentine: Resistencia, ville symbole de la crise de l’État providence péroniste

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À la veille de l’élection présidentielle argentine, la province du Chaco, dans le nord du pays, symbolise la faillite de l’État providence. Après 16 ans de gouvernement péroniste de gauche, le candidat ultralibéral Javier Milei, ennemi autoproclamé de la justice sociale et favori du scrutin présidentiel, y a fait une percée spectaculaire dans un contexte de marasme économique.

Le candidat présidentiel ultralibéral, Javier Milei, s'exprime lors d'un rassemblement électoral à Buenos Aires, en Argentine, le mercredi 18 octobre 2023.
Le candidat présidentiel ultralibéral, Javier Milei, s'exprime lors d'un rassemblement électoral à Buenos Aires, en Argentine, le mercredi 18 octobre 2023. © AP - Natacha Pisarenko
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De notre correspondant à Buenos Aires,

À 800 km au nord de Buenos Aires, Barranqueras est l'un des quartiers les plus défavorisés de la ville de Resistencia, où 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

« Tout ce que vous voyez ici a été construit à la sueur de notre front », assure Jorge Fernandez. Ce militaire à la retraite désigne de ses yeux délavés les habitations précaires aux briques apparentes alignées le long d'une route de terre défoncée et semée de gravats. « Pour avoir du courant, nous avons dû nous brancher nous-mêmes sur le réseau électrique et la qualité est très mauvaise. Tout ce que je demande, c'est de payer pour l'électricité et d'avoir accès à l'eau courante », continue-t-il. 

« Ils nous ont oubliés »

Le problème, c'est que les politiques ne s'intéressent à ce quartier qu'à l'approche des élections, explique Jorge Fernandez. « Il y a des candidats qui présentaient bien, qui ont envoyé des gens pour savoir comment on vivait ici, mais une fois qu'ils sont arrivés au pouvoir, ils nous ont oubliés ». 

Bastion de la gauche péroniste depuis des années, la ville de Resistencia a placé l'économiste ultralibéral Javier Milei en tête des primaires obligatoires à l'élection présidentielle mi-août. « Des gens continuent à vivre dans la pauvreté, il n'y a pas de travail, pas d'accès au logement, pas d'opportunités. Nous voulons que ça change et nous pensons que M. Milei va faire ce que les autres n'ont pas fait », confie le militaire. 

Angel Brasanelli, 35 ans, tient un petit commerce d'alimentation qui lui permet à peine de faire vivre sa famille, car l'inflation galopante à 138% annuels l'empêche de dégager des bénéfices. « Hier, les prix de nos fournisseurs ont encore augmenté de 20%. On ne sait plus à quel prix on doit vendre nos marchandises et la plupart du temps, on sait qu'on vend à perte ».

Réduction du budget de l'État argentin

Angel reprend à son compte le discours de Javier Milei, selon qui l'inflation est due à l'émission monétaire à travers laquelle le gouvernement péroniste finance ses politiques sociales. Pour y mettre fin, le plan « tronçonneuse » du candidat ultralibéral prévoit de réduire drastiquement le budget de l'État. Même s'il doit jongler entre aide sociale et petits boulots pour s'en sortir, Daniel, le frère d'Angel, y est favorable. « Moi, je touche des allocations, mais c'est dérisoire. Je préférerais mille fois pouvoir trouver un travail bien payé que de devoir mendier ainsi ». 

La province du Chaco, où se trouve Resistencia, est à la fois la plus pauvre du pays et celle qui compte le plus de bénéficiaires d'aides sociales au regard de sa population. Pour y remédier, Iliana Rodriguez, policière de 32 ans, pense qu'il faut changer de paradigme. « Aujourd'hui, les jeunes vivent suspendus aux aides sociales, et le travail n'est plus valorisé comme avant. Les gens se contentent de ce que leur donne l'État. Ils ne sont pas incités à faire des efforts et à trouver des solutions par eux-mêmes au quotidien ». 

Une opinion partagée par de nombreuses personnes à Resistencia, où l'incapacité chronique de l'État à enrayer l'augmentation de la pauvreté pourrait faire gagner Javier Milei dimanche 22 octobre.

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