Reportage international

En Argentine, les «cacerolazos» de retour contre la politique de Javier Milei

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Grève nationale en Argentine ce mercredi. Les principales centrales syndicales du pays appellent à débrayer et à manifester dans tout le pays pour protester contre la politique ultralibérale de Javier Milei. Au-delà de cette mobilisation, l’avalanche de réformes déclenchée par le nouveau président a provoqué un vaste mouvement de contestation citoyen, qui utilise chaque semaine le fracas des casseroles pour faire entendre sa colère.

Des femmes manifestent contre la pénurie alimentaire dans les soupes populaires communautaires de Buenos Aires, en Argentine, le vendredi 5 janvier 2024, devant l'hôtel où réside le président argentin Javier Milei depuis sa victoire aux élections.
Des femmes manifestent contre la pénurie alimentaire dans les soupes populaires communautaires de Buenos Aires, en Argentine, le vendredi 5 janvier 2024, devant l'hôtel où réside le président argentin Javier Milei depuis sa victoire aux élections. AP - Natacha Pisarenko
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De notre correspondant à Buenos Aires,

Il est un peu plus de 20h quand le bruit métallique de casseroles commence à résonner au croisement des avenues Medrano et Corrientes, dans le centre de Buenos Aires. Bientôt le bruit se transforme en vacarme : ils sont des dizaines, comme Enrique Alvarez, 44 ans, à descendre de chez eux pour participer à ce « cacerolazo », ce concert de casseroles : « Nous protestons contre les mesures du gouvernement, car ils sont en train de démanteler presque 150 ans d’acquis sociaux. »

Le 20 décembre dernier, le président Javier Milei annonce en direct à la télévision qu’il vient de signer un décret de dérégulation massive de l’économie. En tout, plus de 300 normes et lois portant entre autres sur le droit du travail, l’encadrement des prix, ou encore le commerce extérieur sont modifiés ou abrogés. Myriam Godoy, avocate, se souvient de sa réaction ce soir-là : « Quand le président Milei a annoncé son décret, j’ai senti la rage en moi. Je suis d’abord sortie à mon balcon pour battre la casserole, et j’ai entendu quelqu’un qui criait et qui faisait la même chose, donc je suis sortie dans la rue spontanément. »

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Une tradition qui refait surface

La même scène se répète partout dans la capitale argentine, et bientôt ce sont des milliers de personnes qui convergent vers le Congrès au rythme des casseroles. Depuis cette première manifestation spontanée, des assemblées citoyennes se sont organisées dans plusieurs quartiers, et les cacerolazos se répètent chaque semaine, explique Carla, enseignante : « L’assemblée de la place Almagro se réunit tous les mardis, et les mercredis, nous faisons un cacerolazo ici. C’est surprenant de voir comme cette tradition refait surface. Alors que le peuple argentin semblait endormi, nous nous sommes immédiatement organisés en assemblées et nous sommes sortis faire du bruit. »

Cette forme de contestation citoyenne, casserole à la main, a notamment marqué la grande crise économique de 2001 en Argentine. La voir ressurgir aujourd’hui est tout sauf un hasard : les réformes promues par Javier Milei, qui a notamment envoyé au Congrès un projet de loi pour privatiser 41 entreprises publiques, ressemblent à s’y méprendre aux politiques néolibérales appliquées en Argentine dans les années 1990 : « C’est une nouvelle avancée du néolibéralisme. On a déjà connu les privatisations dans les années 1990, et on sait déjà comment tout cela se finit ! »

En 2001, ce chapitre néolibéral s’était terminé par une crise économique, une envolée du chômage et de la pauvreté, des scènes de pillage et une explosion sociale qui avait fait 39 morts. Ce mercredi 24 janvier, syndicats ont appelé à une grève nationale pour faire pression sur les députés qui examinent actuellement le projet de loi « omnibus », vaste train de réformes qui constitue avec le décret de dérégulation la pierre angulaire du projet ultralibéral que Javier Milei veut mettre en place en Argentine.

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