Italie: des formations pour lutter contre la criminalité organisée
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L’Italie, terre de formation à la lutte antimafia. Forte de sa longue et douloureuse expérience de l’emprise et des violences mafieuses, la botte fait désormais figure d’exemple à l’étranger, pour des Français notamment. Alors que les gangs de narcotrafiquants font la Une dans le sud de la France, des citoyens viennent de l’autre côté des Alpes pour se former afin de comprendre, prévenir et combattre les réseaux criminels dans leur pays. Un apprentissage du contexte et des pratiques vertueuses aux côtés des Italiens qui se battent contre la Camorra, dans la région de Naples.

Avec notre correspondante à Rome,
Entre livres et souvenirs de victimes tuées par le crime organisé. À l'étage d'une villa confisquée à la Camorra, désormais dédiée à la lutte antimafia, l'écoute est attentive, ce jour-là, pendant le récit encore bouleversé et traduit en français d'Augusto, témoin d'un assassinat et dénonciateur de tueurs mafieux.
« Donc, à partir de ce jour-là, pour moi, c'est l'enfer qui a démarré. J'ai été obligé de m'éloigner pendant quatre ans. À l'époque, j'avais 33 ans. »
Le statut de témoin, mais aussi la législation antimafia, les repentis, le régime carcéral des boss... Entre témoignages et analyses, pendant une semaine, une trentaine de Français sont venus suivre ici des ateliers auprès de leurs voisins italiens de cette région napolitaine qui portent encore les stigmates de la Camorra.
Saisie du patrimoine mafieux
« On est à Casal di Principe, qui est une ville très connue pour son clan, les Casalesi, qui tuaient une personne par semaine dans les années 1980 et qui a enterré des déchets toxiques. Ça a fait sa renommée dans le livre de Roberto Saviano, Gomorra. » Des formations sur le terrain italien, comme celles-ci, sont menées depuis cinq ans par l'association française Crim'HALT et son président, Fabrice Rizzoli. Elles donnent déjà des fruits.
« On vient de voir ici qu'eux avaient une mafia puissante, qui tuait tout le monde. Maintenant, la mafia ne tue plus. Avant, c'était la mafia qui donnait du travail, aujourd'hui c'est l'État de droit, les citoyens. Donc l'idée, c'est que ces Français, ils voient comment ça a changé en Italie et ils essaient d'améliorer les choses chez eux, explique Fabrice Rizzoli. Par exemple, quand on est venus ici en 2019, on a emmené des gens de l'économie sociale et solidaire et ils nous ont appuyés pour faire en sorte qu'on ait une loi, qui a été votée en 2021. Aujourd'hui, il y a cinq biens réutilisés en France, par exemple, pour faire de l'usage social de biens confisqués. »
Partager l'histoire, les outils italiens avec l'étranger et dépasser les frontières, c'est aussi en soi un antidote nécessaire contre la mafia aujourd'hui, estime Michele Mosca, spécialiste en économie du crime organisé. « La criminalité organisée n'est pas un problème uniquement italien, mais de toute l'Europe. C'est quand on commence à parler du mal qu'elle inflige, que la Camorra prend peur, parce qu'on lui fait perdre son consensus social, précise le spécialiste. Nous avons besoin de faire équipe, d'être unis contre un mal résistant et souvent invisible, et c'est là qu'il faut que tout le monde tire profit de l'expérience italienne. »
C'est de la législation italienne que s'est ainsi inspirée l'Union européenne pour saisir le patrimoine de mafieux, toujours plus infiltrés dans l'économie légale. Depuis dix ans, une directive adoptée par Bruxelles a ouvert la voie à la confiscation des biens du crime organisé en Europe et à leur reconversion à des fins sociales.
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