Liban: «Certains malades sont en train de mourir» du cancer faute de moyens pour se soigner
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Au Liban, le taux de cancers dans la population est en forte hausse. En cause : la pollution excessive engendrée par les groupes électrogènes qui alimentent le pays en électricité. Depuis la crise économique foudroyante que traverse le pays depuis 2019, l’État n’a plus de quoi financer le fioul des centrales électriques et l’usage des groupes électrogènes – pourtant très nocif et cher – s’est généralisé.

De notre correspondante à Beyrouth,
Un ciel opaque comme une chape de plomb recouvre Beyrouth. En cause : les milliers de groupes électrogènes éparpillés dans la ville qui viennent combler – plus de 20 heures par jour – les coupures de l’électricité fournie par l’État. « La moitié de la pollution à Beyrouth est due aux générateurs au diesel, explique Najat Aoun Saliba. Chez nous, les générateurs qui fonctionnent 24 heures sur 24 rejettent du poison dans la ville. »
Explosion de la pollution
Najat Aoun Saliba est professeure de chimie à l’université américaine de Beyrouth et députée de l’opposition. Elle a étudié l’air dans la capitale libanaise. D’après ses résultats, la pollution y est cinq fois supérieures aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. « Nous observons une augmentation des particules cancérigènes dans nos échantillons, cela multiplie par deux le risque d’avoir un cancer par rapport à 2016-2017. Nous sommes tous exposés à avoir un cancer. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est un meurtre, meurtre collectif. »
À l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de France, Leïla Yammine Chaoul, 63 ans, termine son traitement contre un cancer du poumon. Elle a été diagnostiquée il y a un an : « J’ai un mode de vie sain, je travaille chez moi, je mange de tout et je ne fume pas. Le médecin était surpris. Comment j’ai pu avoir un cancer des poumons ? On a un générateur à côté de la maison, où va leur fumée ? Tout ça se dépose dans nos maisons ! »
Se soigner est devenu un luxe
Le docteur Fadi Nasr dirige le service d’hématologie-oncologie à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de France. Il reçoit de plus en plus de malades victimes de la pollution : « On remarque qu’on a une augmentation assez grave, non pas uniquement du cancer du poumon, mais aussi de toutes les maladies pulmonaires, asthme, bronchopneumopathie, ainsi de suite. »
Mais avec la crise économique qui dure depuis 2019, le système de Sécurité sociale s’est effondré et la population s’est appauvrie. Se soigner est devenu un luxe pour une majorité de Libanais. « Maintenant, les malades tardent beaucoup à venir chez le médecin vu leurs problèmes financiers. Et ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que la maladie est détectée à un stade plus avancé. Certains malades sont en train de mourir, car ils ne peuvent pas prendre un traitement », déplore le docteur Fadi Nasr.
Faute de réforme du secteur de l’électricité, déjà défaillant de longue date, les médecins libanais s’attendent à voir doubler le nombre de cancers dans les années qui viennent.
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