Reportage international

Bangladesh: coexistence difficile entre population civile et police, après le retour au calme

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Au Bangladesh, la police est de retour dans les rues après plus d’une semaine de grève. Durant plus d’un mois, les forces de l’ordre ont réprimé sévèrement les manifestants, tiré sur la foule et fait plusieurs centaines de morts. Le mouvement étudiant est parvenu à mettre fin à quinze années d’un pouvoir sans partage de Sheikh Hasina. Mais désormais, le gouvernement intérimaire, composé de deux étudiants, gouverne le pays et les policiers ont repris le travail en ayant peur des représailles.

Le personnel de l'armée garde les locaux du tribunal alors que les manifestants se rassemblent à l'extérieur pour demander la démission du juge en chef du Bangladesh, Obaidul Hassan, et d'autres juges principaux lors d'une manifestation publique à Dhaka, au Bangladesh, le samedi 10 août 2024.
Le personnel de l'armée garde les locaux du tribunal alors que les manifestants se rassemblent à l'extérieur pour demander la démission du juge en chef du Bangladesh, Obaidul Hassan, et d'autres juges principaux lors d'une manifestation publique à Dhaka, au Bangladesh, le samedi 10 août 2024. AP - Rajib Dhar
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Devant le commissariat central de Dacca, capitale du Bangladesh, pas de policiers, c’est l’armée qui protège l’entrée. Les locaux donnent l’impression que le bâtiment est en plein réaménagement. Pas de fenêtre, pas de contrôle de sécurité pour rentrer, pas d’équipements, ni d’officier en uniforme, et ce qui reste du matériel de police traîne négligemment au sol. Mais aucune construction n’a été lancée, le commissariat a été ravagé par des manifestants en colère à la suite de la chute de Sheikh Hasina.

Impossible pour Enamul Hoque Sagar de dévoiler combien d’armes à feu ont été récupérées par les manifestants. Le responsable des communications de la police nationale promet en revanche de larges changements dans l’institution. « Nous avons commencé une nouvelle ère, notre réforme interne a déjà débuté, promet-il. Le but va être d’offrir le meilleur service possible au public en se rapprochant de la population. »

Purge des hauts gradés responsables des ordres de tirer à vue, changement d’uniforme, enquêtes internes pour identifier les policiers qui ont tué des manifestants… les chantiers sont nombreux pour que l’institution rétablisse un lien avec la population, mais surtout avec les étudiants, dont le rôle est devenu central.

Abdullah Mohammed Ruhel, étudiant en développement international à l’université de Dacca, a vu les policiers à l’œuvre. « Sheikh Hasina avait fait des policiers, ses "chiens", si je peux me permettre d’utiliser ces termes, ose-t-il, tout en s'excusant. Ils étaient incroyablement violents, ils tiraient directement sur les gens. Le premier martyr Abu Sayed, ils levaient juste les bras en l’air comme ça. »

Avec des amis blessés, kidnappés ou tués, difficile pour les manifestants d’envisager un retour paisible des forces de l’ordre, une institution qu’Abdullah décrit comme profondément corrompue. « L’endoctrinement et le système de recrutement était vraiment institutionnalisé, explique-t-il. Sheikh Hasina a recruté tous les gros bras de la ligue étudiante. Nous avons vu les documents dans la Maison de la Première ministre montrant les recommandations du Parlement assurant qu’il fallait recruter ce policier, car c’est un membre actif de la milice étudiante du pouvoir. Donc, 2 à 7 % étaient surement de bonnes personnes, mais la grande majorité ne l’étaient pas ».

Un système similaire à celui des quotas réservant aux enfants des héros de l’indépendance, fidèles au régime, une part des emplois dans la fonction publique. Des quotas à l’origine de la colère populaire qui a fini par renverser le gouvernement.

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