À Mexico, la colère monte contre la gentrification de la ville et la crise du logement
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La capitale mexicaine manifeste contre le phénomène de gentrification qui provoque une flambée des loyers. Il devient difficile pour la population locale de se loger dignement, au profit des expatriés et des touristes, pour la plupart américains. Samedi 19 et dimanche 20 juillet, des manifestations ont réuni plusieurs milliers d'habitants en colère contre les privilèges économiques dont bénéficient les étrangers, plus aisés que les locaux.

À Mexico, la colère gronde contre la gentrification qui sévit dans la ville. La maire de la capitale du Mexique, Clara Brugada, a présenté un plan pour lutter contre le phénomène. Elle promet d'encadrer l’augmentation annuelle des loyers, la création d’institution de contrôle et la création d’un indice de prix raisonnable. Des mesures encore floues et peu satisfaisantes, estiment de nombreux habitants de Mexico. D’autant qu’une loi pour réguler de la plateforme Airbnb est coincée dans les limbes parlementaires depuis des mois.
La capitale mexicaine est une destination privilégiée du tourisme et des nomades digitaux, notamment des Américains qui s’établissent à court ou moyen terme dans la ville. Sauf que leur présence provoque une flambée des prix des biens de consommation et des loyers. Les salaires mexicains ne s’alignent pas, et il devient très compliqué pour les locaux de vivre dignement à Mexico. Dans le sud de la capitale, ils étaient des milliers à manifester ce weekend. La rancœur des habitants contre les privilèges économiques des étrangers est palpable.
Même en vivant très excentrée à l’est de la ville, Ali voit peu à peu les prix augmenter autour d’elle, signe d’une gentrification qui gagne du terrain. « Pour venir à l’université tous les jours, je dois faire plus de deux heures de transports. Dans le marché où je vais, on parle anglais maintenant, alors qu’avant c’était un tout petit village », regrette la jeune étudiante en architecture.
« Je me sens comme un extraterrestre là-bas, je me sens exclu »
Avec son amie Emilia, qui ne parvient à s’offrir qu’un petit logement mal entretenu avec son job d’étudiant, elles se préparent à manifester. « Je comprends qu’aux États-Unis et beaucoup d’autres endroits dans le monde, la gentrification est déjà un fait. Mais ce serait bien que là-bas, ils se battent pour leurs droits plutôt que de venir et d'agir comme des colonisateurs ici », dénonce-t-elle.
Dans certaines zones de la ville, les loyers ont doublé d’une année sur l’autre. Juan se dit en faveur de la migration et du tourisme, mais il est exaspéré de la transformation brutale du centre de la capitale. « On n’y parle même plus espagnol. Les gens ne ressemblent plus à des Mexicains. Je me sens comme un extraterrestre là-bas, je me sens exclu. Avec le salaire que je gagne – la moyenne nationale, environ 415 euros –, jamais je ne pourrai réunir suffisamment d'argent pour acheter un petit appartement de 60 m² qui coûte 3,5 millions de pesos (160 000 euros, ndlr). Je n'y arriverai jamais. Mes enfants n'auront pas de logement », désespère-t-il.
Face à l’augmentation des inégalités liées au pouvoir d’achat plus élevé des étrangers, la tension monte du côté mexicain – notamment dans un contexte de crispations entre les États-Unis et le Mexique autour des questions migratoires. Tony ne vit déjà plus dans la capitale, mais dans l’État voisin. Sa famille a dû se déplacer à cause de sa vulnérabilité économique. « Si on met parfois l'accent sur les étrangers, c'est parce qu’ils ont souvent des emplois payés en dollar ou en euros. Cela leur revient moins cher de venir vivre ici. C’est pour cela qu’ils peuvent de se payer le luxe de louer des belles maisons, acheter des choses et d’avoir un style de vie qu’ils ne pourraient même pas avoir chez eux. Justement parce qu’ils ne travaillent pas et qu’ils ne veulent pas non plus adopter la culture d’ici. Donc, on ne peut pas comparer un immigrant et quelqu’un qui vient seulement tirer avantage d’être payé dans une autre monnaie », considère-t-il.
Pour l’instant, la régulation est quasiment inexistante à Mexico. Tandis quelques propriétaires et promoteurs tirent parti de cette crise du logement, de nombreux habitants se retrouvent sans défense face aux lois du marché, inquiets de voir partir avec eux l’âme de la capitale.
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