À la Une: l’armée française en accusation au Mali
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« C’était un rapport très attendu à Bamako comme à Paris, souligne Le Monde Afrique. Le résultat d’une enquête dont l’objectif était d’essayer de démêler le vrai du faux à la suite de la frappe française contestée, réalisée dans le cadre de l’opération Barkhane, le 3 janvier, à la lisière du village de Bounti, dans le centre du Mali. Près de trois mois après les faits, la MINUSMA, la mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali, a rendu publiques hier les conclusions de ses investigations. Elles mettent en cause de manière frontale les forces françaises déployées au Sahel alors que Paris tente péniblement depuis de longs mois de revoir son engagement dans la région. »
Une enquête minutieuse
Pour le journal en ligne malien Malikilé, c’est clair : « Les conclusions de l’enquête de la MINUSMA réduisent totalement à néant les arguments et la ligne de défense des autorités françaises et maliennes. […] Les enquêteurs de l’ONU ont réalisé plus de 400 entretiens-témoignages […] et analysé "au moins 150 publications, communiqués officiels, articles de presse, ainsi que des photographies et des vidéos concernant la frappe de Bounti." C’est au terme de cette enquête minutieuse que la MINUSMA s’est sentie "en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient [certes] cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma. Au moins 22 personnes, dont trois des membres présumés de cette Katiba Serma, ont été tuées." […] Et comme pour lever tout doute, pointe encore Malikilé, et ôter tout argument à ceux qui éprouveraient le besoin de remettre son travail en cause, la MINUSMA enfonce le clou : "L’équipe n’a constaté sur le lieu de l’incident aucun élément matériel qui aurait pu attester la présence d’armes ou de motos". »
Commentaire de Malikilé : « L’image de la France risque d’être encore un peu plus brouillée au Mali, voire au Sahel, et ses contempteurs auront de nouveaux arguments pour entretenir le sentiment antifrançais ambiant. »
Paris conteste
Pour sa part, la France conteste les conclusions du rapport onusien. C’est ce que rapporte notamment Le Point Afrique : « Le ministère français des Armées est très rapidement monté au créneau hier, et a réfuté toute bavure au Mali et émis "de nombreuses réserves" sur l’enquête des Nations Unies. »
Et pour ce qui est des autorités maliennes, rappelle Malikilé, « le ministère de la Défense s’était rallié à la thèse française tout en annonçant l’ouverture d’une enquête ».
Toutefois, pointe le journal en ligne malien, « personne, depuis, n’a ni observé, ni entendu parler d’une enquête du gouvernement malien, tout accaparé par ses opérations de charme envers la communauté internationale. »
De l’eau au moulin pour les contempteurs de la présence française
En tout cas, ce rapport est « accablant », pointe Aujourd’hui à Ouagadougou et Paris se retrouve dans « l’embarras » : « sans présager à 100 % de la véracité des conclusions de l’enquête (onusienne), les carottes semblent déjà cuites, estime Aujourd’hui, et il faudra envisager un "mea culpa" et d’éventuelles réparations pour les victimes dans les prochaines semaines. À cet effet, la Convention de Genève est claire : il faut des sanctions à l’endroit des auteurs de cette opération de sécurisation qui aurait viré à l’échec. Ainsi, l’armée française, qui n’a pas bonne presse auprès d’une certaine opinion africaine, est de nouveau épinglée. Cette enquête de la MINUSMA apporte de l’eau au moulin des contempteurs de la présence militaire française en Afrique et au Sahel qui n’hésiteront pas à s’en saisir pour justifier leur "combat" et remonter sur leurs grands chevaux et crier à tue-tête "à bas l’impérialisme !" »
En effet, renchérit WakatSéra, « cette situation conforte tous ceux pour qui la présence militaire française est urticante au plus haut point. Les tenants de l’appel au démantèlement de la Force Barkhane, qu’ils soient en France, au Mali, au Burkina Faso, au Tchad ou au Niger, viennent de trouver une corde supplémentaire à leur arc, toujours bandé pour décocher des flèches contre cette présence militaire. Et c’est le sentiment anti-français qui va encore enfler, reléguant aux oubliettes, l’action saluée comme héroïque, en son temps, de l’armée française portée en triomphe, lorsqu’elle avait stoppé net la progression des djihadistes en terre malienne. »
Et WakatSéra de conclure : « vivement (toute) la lumière sur "le mariage de Bounti". »
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