À la Une: une victoire en demi-teinte pour le Premier ministre indien
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« Narendra Modi est sur le point de rempiler mais il a subi un sérieux revers », reconnait le Times of India. « Le score de 243 sièges obtenu par le BJP est nettement décevant. L’incapacité à obtenir la majorité absolue et le retour de la politique de coalition qui en résulte assombrissent les célébrations du succès de Modi, qui est devenu (malgré tout) le premier Premier ministre à obtenir trois mandats consécutifs depuis Nehru en 1962. »
« La vague safran attendue n’a pas eu lieu, renchérit Libération à Paris. Le parti nationaliste hindou du BJP au pouvoir, a remporté les élections législatives, mais en sort grandement affaibli. "C’est un vrai désaveu pour Narendra Modi, réagit Gilles Verniers, chercheur en sciences politiques au Center for Policy Research, à New Delhi. Toute la campagne a été menée en son nom, et il doit donc prendre la responsabilité de cette contre-performance". La vraie surprise a eu lieu dans le nord hindiphone du pays, allant du Rajasthan au Bihar, relève Libération, qui est une forteresse du BJP depuis plus d’une décennie. Celle-ci a été percée par l’opposition à plusieurs endroits, et particulièrement dans les zones rurales de l’Uttar Pradesh, plus pauvres et frappées par le chômage et les inégalités croissantes dans le pays. "Cela révèle l’ampleur du mécontentement", poursuit Gilles Verniers. »
Les cris de joie de l’opposition…
D’ailleurs, relève Le Temps à Genève, « toute la journée (hier), au siège du parti du Congrès (principal parti d’opposition), pavillon désuet au bord d’une avenue arborée de New Delhi, on entendait des cris de joie. Sur la pelouse, une grande tente remplie de ventilateurs accueillait plusieurs centaines de personnes venues suivre les résultats sur un écran géant. Non loin de là, dans l’immense QG du BJP, les mines étaient plus grises. "Gloire à Ram !", le cri des nationalistes hindous, avait beau résonner dans les couloirs climatisés, le cœur n’y était pas. Malgré les apparences, c’est pourtant bien la coalition de Narendra Modi qui a remporté, pour la troisième fois, les élections nationales ! »
Une coalition fragile…
En effet, souligne Le Soir à Bruxelles, « paradoxe durant cette folle journée : les gagnants se comportaient en perdants – et vice versa. (…) Ce qui est certain, c’est que le mandat qui s’ouvre pour le Premier ministre s’annonce différent des précédents. Le BJP ne dispose plus de majorité absolue, ce qui fait peser une épée de Damoclès sur sa tête. Car il suffira que quelques alliés mécontents rejoignent le camp de l’opposition pour qu’il soit mis en minorité. (…) Pour beaucoup, pointe encore le quotidien belge, ces élections marquent aussi le retour des préoccupations économiques des électeurs face aux thématiques religieuses. Ils ont semblé sensibles au discours de l’opposition sur le chômage et l’éducation, alors que la construction d’un temple géant dédié au Dieu Ram, dans la ville d’Ayodhya, ne semble pas avoir porté les dividendes politiques escomptés par le BJP. »
Résultat, analyse le Guardian à Londres, cette victoire étriquée « rendra probablement beaucoup plus difficile pour Modi de faire avancer bon nombre de ses politiques les plus radicales axées sur l’hindouisme, en particulier celles impliquant l’enregistrement de la citoyenneté et les lois accusées de discriminer directement les musulmans. Il y a également désormais peu de chances que le BJP obtienne les votes parlementaires nécessaires pour modifier la constitution laïque de l’Inde, ce qui était une crainte majeure chez de nombreux opposants. »
Une démocratie écornée…
Enfin, le Süddeutsche Zeitung ne prend pas gants… « Un exécuteur peut continuer (son œuvre) », titre le quotidien allemand pour qui Narendra Modi est un autocrate : « lui et une grande partie de son parti ne comprennent pas qu’une démocratie ne peut être forte que si elle est en mesure de protéger les plus faibles et de supporter la critique. Cela implique une opposition qui demande des comptes au gouvernement. Mais Modi a fait interdire à ses détracteurs de siéger au Parlement lors de la dernière législature pour "comportement inconvenant" avant un vote important, car il ne voulait pas répondre à leurs questions. Pendant la campagne électorale, il a abusé de son pouvoir gouvernemental pour entraver les candidatures adverses (…). Le bon fonctionnement d’une démocratie, relève encore le Süddeutsche Zeitung passe aussi par le droit à la liberté d’expression, donc avant tout par une presse libre (…). Or, après dix ans de pouvoir Modi, l’Inde occupe le 159e rang sur 180 dans le classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. »
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