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À la Une: plongée dans les prisons de l'horreur au Salvador

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Le Cecot, prison de haute sécurité à Tecoluca, au Salvador, avril 2025. Le président Bukele a accueilli en mars dans cette prison plusieurs centaines de détenus en provenance des États-Unis, des immigrants expulsés à la faveur de la nouvelle politique migratoire de Donald Trump.
Le Cecot, prison de haute sécurité à Tecoluca, au Salvador, avril 2025. Le président Bukele a accueilli en mars dans cette prison plusieurs centaines de détenus en provenance des États-Unis, des immigrants expulsés à la faveur de la nouvelle politique migratoire de Donald Trump. © REUTERS - Jose Cabezas
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Alors que le Venezuela dénonçait lundi 21 juillet des actes de torture dans les prisons salvadoriennes, La Croix se penche sur les méthodes du président Nayib Bukele, autoproclamé « dictateur cool », et qui est « régulièrement cité comme une référence, dans un continent américain confronté au crime organisé », pour avoir « ramené l’ordre au Salvador », écrit le journal. Il faut dire que « des choses banales, impensables hier, sont à nouveau possibles – comme se rendre dans un autre quartier que le sien, sans risquer d’être pris pour cible », selon le quotidien catholique. Et au Salvador, le journal El Mundo s’en réjouit : le chef d’État et son équipe ont, juge le titre, « mené une lutte sans précédent contre les gangs locaux, obtenant un contrôle territorial et une réduction de la violence qui ont fait l’objet de beaucoup d’admiration et de reconnaissance sur les cinq continents. »

Mais comment et à quel prix ? Il y a une évidence, pointe La Croix : « au cœur du "modèle Bukele", assurément, la prison ». Des milliers de personnes sont envoyées derrière les barreaux, souvent de manière indistincte : ainsi, écrit El Salvador, « le gouvernement lui-même a été forcé d’admettre qu’il avait dû libérer 8 000 détenus, parce qu’il n’avait rien à voir avec les gangs ». 

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Des conditions d'incarcération catastrophiques 

Et même parfois meurtrières. Ainsi, pointe la Prensa Grafica, une ONG locale « a porté le registre des décès en prison à 430 entre mars 2022 et aujourd’hui ». Ce qui revient à un décès tous les trois jours. La plupart des victimes sont mortes dans les premiers mois de leur détention, en raison, explique l’ONG interrogée par le journal, « des coups, de la torture, et d’autres traitements cruels inhumains et dégradants », mais aussi de « déshydratation », en périodes de fortes chaleurs et dans des cellules surpeuplées. 

Ce chiffre pourrait en réalité être beaucoup plus élevé, poursuit la Prensa Grafica : « le nombre de décès pourrait même être supérieur à 1 000, mais (…) il y a une sous-déclaration non documentée » : certains « restent classés comme des disparitions forcées, car ils n’ont pas été vus depuis le jour de leur capture » ; dans de nombreux autres cas, les « proches des victimes ont peur de signaler ».

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En parallèle, le durcissement du pouvoir 

Le pays emprunte en réalité, analyse La Croix, « une route bien connue : concentration du pouvoir au nom de l’urgence, (…) urgence qui s’éternise », combinée à « un autoritarisme croissant pour faire taire les critiques ». Une méthode « plus subtile », grince El Salvador, que les violences contre les manifestants ou les assassinats politiques : aujourd’hui, « les dictateurs (…) capturent et anéantissent leurs adversaires lentement, mais sûrement, en plus d’envoyer ainsi un "message" au reste de la population ».

Pour ce faire, le pouvoir salvadorien peut s’appuyer sur un allié, et pas des moindres, rappelle El Mundo : « une coordination étroite et un partage de renseignements avec les agences de sécurité américaines, et la confiance avec l’administration Trump ». Car chacun y trouve son compte : Nayib Bukele obtient ainsi de l’argent pour ses immenses prisons, donc pour verrouiller l’opinion ; tandis que Donald Trump externalise sa lutte contre les migrants. Là encore, à tout prix : le Guardian raconte ainsi qu’un certain nombre de vénézuéliens, expulsés des États-Unis, incarcérés dans une prison de haute sécurité salvadorienne, puis ramenés sur le sol américain, « ont subi des violations des droits humains allant de l’abus sexuel au bastonnage », ou qu’on « leur a refusé des soins médicaux, ou qu’on les a soignés sans anesthésie ». 

Et si El Mundo voit dans cette sévérité un « succès », un spécialiste des relations internationales qui s’exprime dans les colonnes dEl Salvador s'indigne au contraire de « ce régime d’exception » et de « son lien avec les États-Unis », qui font du Salvador « l’incarnation du mépris de la vie carcérale », notamment à l’étranger. Et qu’importe si ces migrants finissent par être libérés, si ceux injustement incarcérés finissent par être relâchés, s’insurge encore cet auteur : « la libération n’atténue pas les souffrances de ceux » qui les ont subies. Et de conclure : « la peur est l’outil d’un tyran ». 

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