À la Une en Asie

Chine: à la veille des vacances du Nouvel an lunaire, la déprime des conducteurs de train

Publié le :

La semaine prochaine commencent les vacances du Nouvel an lunaire. Plus de cent millions de voyageurs sont attendus dans les trains en Chine. C'est l’occasion de parler des conducteurs de trains chinois fatigués, voir déprimés par le rythme et de l’automatisation du travail. 

Train grande vitesse Hexie CRH380A à Shanghai en Chine. (Image d'illustration)0
Train grande vitesse Hexie CRH380A à Shanghai en Chine. (Image d'illustration)0 © commons.wikimedia.org
Publicité

De notre correspondant à Pékin,

« Nous ne sommes pas des machines, mais nous devons fonctionner comme des machines », disent ces conducteurs de train qui sont plutôt bien payés comparés à d’autres professions, en tout cas pour celles et ceux qui débutent dans le métier. Plus d’un million de trains de voyageurs et marchandises devraient circuler en Chine pendant les vacances de la Fête du printemps, sur quelque 155 000 kilomètres de rail.  

50 000 kilomètres de ligne à grande vitesse 

La Chine est le pays du train par excellence, parmi les mieux dotés en termes de réseaux et de matériels que 3, 855 milliards de passagers emprunteront cette année. Et ça devrait continuer : le réseau ferroviaire chinois sera étendu à 165 000 kilomètres d’ici à 2025, dont 50 000 km de lignes à grande vitesse, selon la compagnie nationale des chemins de fer, le China State Railway Group. Cela dans des conditions de sécurité élevées.  

Et ce sont justement, ces normes de sécurité qui font que ces conducteurs se plaignent de l’empiètement de leur travail sur la vie personnelle…   

Dans un article intitulé « l’homme qui conduisait le train » publié sur la plateforme Sina Weibo, il y a une semaine et censuré depuis, des conducteurs de différents types de trains racontaient la difficulté de leur quotidien. La solitude des cabines de pilotage de 2 à 4 m², où certains panneaux de commandes ne comptent que deux leviers : un pour accélérer et un pour freiner. Et puis des horaires qui changent au gré des besoins des lignes et du trafic. Sachant qu’un conducteur, quelle que soit l’heure de sa prise de poste, est tenu de se reposer au dépôt pendant quatre heures avant de prendre les commandes.   

 « Sommeil forcé »  

Un période de repos contrôle et même un « sommeil forcé » disent certains, durant lequel vous devez dormir à tout prix. Pas question de scroller sur votre portable par exemple. Selon une enquête menée auprès de 1077 conducteurs de train de la province du Fujian dans le sud-est de la Chine et cité par Sina, plus de 50 % de ces conducteurs souffraient de troubles dépressifs, liés donc à ces rythmes de travail pour le moins cadencés et sous surveillance.   

Un conducteur de train de marchandises, qui tient à rester anonyme, témoigne...    

« Les conducteurs de trains de marchandises n'ont pas d'horaires fixes. Vous recevez votre planning et vous devez vous rendre à l'aire de repos située à l'arrière de la gare. Là, vous devez impérativement vous reposer, en attendant le prochain départ. Dans chaque pièce, il y a un haut-parleur et une personne de service désignée qui vous appelle lorsqu'il faut partir. La principale difficulté, c'est l’absence d’horaires fixes pour dormir. Des inspections des appartements de repos sont faites régulièrement, comme pour les dortoirs au lycée. Ils vérifient que vous dormez. Et puis l’autre problème, c’est que vous êtes rarement à la maison. »  

Des caméras fixées sur les pupilles  

Outre le problème de dormir sur commande, il y a aussi celui des horaires extensibles... Dans l’enquête publiée par Sina, il y a effectivement des conducteurs qui témoignent d’horaires à rallonges et fluctuants. Mais c’est surtout l’omni-surveillance liée aux questions de sécurité qui finit par peser sur le moral d’une partie de ces hommes du rail.

Pas sur le conducteur qui accepté de nous parler d’ailleurs, lui tient le coup, mais pour des collègues plus âgés, cela peut devenir compliqué. Dans les trains de marchandises, la caméra dans la cabine se trouve à l’arrière du pilote, mais dans les TGV ou même dans certains réseaux de transport urbains, des caméras sont fixées en permanence sur les pupilles du conducteur. Au moindre clignement de paupière suspect, une alerte se déclenche ! Et puis, les bavardages ou autres distractions sont interdits. Des amendes sont prélevées sur le salaire, confient certains de ces conducteurs, qui ont aussi parfois des problèmes de santé. Mêmes censurés, ces témoignages trahissent un désarroi chez une partie de ces conducteurs de train, alors qu’il est difficile de manifester en Chine. Pour améliorer les choses, certains aimeraient un aménagement de leur temps de travail. Disposer de « vrais » temps de repos, autrement dit, passer plus de temps avec leurs proches, à la maison notamment. Pour les colis, une partie du fret ferroviaire pendant la fête du printemps pourrait être renvoyé aux camions. Et concernant les passagers, il y a l’avion. Mais cela ne va pas dans le sens de la lutte contre le réchauffement climatique. Selon les experts chinois, l’empreinte carbone d’un TGV équivaut à 6 % de celle du transport aérien et 11 % du transport routier.    

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes